Tɔgbui Abɔɖi: L’exemple du Patriotisme, de l’Altruisme et de l’Héroïsme.

Tɔgbui Abɔɖi III, Chef coutumier défunt de la Communauté villageoise d’Agu Kebo-Toé. (Crédit: Joseph Koffi GBLOKPO)

Le Village d’Agu Kebo-Toé a été fondé plus de 200 ans avant sa naissance et avant son intronisation en qualité de Chef coutumier au temps fort de la violente oppression coloniale française. Ce Village avait connu aussi des Représentants communautaires (), des Notables (Dumegã) et des Chefs coutumiers (Dufia) qui l’avaient précédé.
Mais l’Histoire de cette Communauté villageoise et de tout le Terroir du Mont Agu ne peut jamais être contée sans évoquer son Nom, son Pragmatisme, son Patriotisme, son Altruisme et son Héroïsme.
Il s’agit de Sa Révérence Tɔgbui Abɔɖi, Chef coutumier défunt d’Agu Kebo-Toé.

Jeunesse et Formation professionnelle.

Tɔgbui Abɔɖi , portant le Nom de Famille KLUGÃ (ou KLOUGAN en transcription francisée) à l’État-civil, était né au moment où sévissait l’invasion coloniale franco-britannique dans le « Grand-Kloto » qui est ce vaste Terroir communément appelé aussi « Eʋedome » , après le départ précipité des colonisateurs allemands en 1914.
Son Père était un Notable (Dumegã) du Quartier Degãɖome. Sa Mère, native du village de Gadza-Ʋukpé , avait toujours vivement encouragé les liens de Parenté et de Fraternité entre la Communauté des « Kebo » (sur les versants et les vallées du Mont Agu) et la Communauté des « Gadza » (dans les vallées du Mont Agu) , selon les recoupements de plusieurs sources orales fiables.
Comme adolescent très courtois, très motivé et très curieux de comprendre le pourquoi et le comment des choses, il commença sa scolarisation au sein de l’école coloniale embryonnaire jadis ouverte par les colonisateurs allemands avant d’être récupérée plus tard par les colonisateurs franco-britanniques après 1914.
A l’instar d’autres jeunes du Terroir  ayant choisi de se soustraire des brimades coloniales françaises qui avaient commencé à sévir après le passage de « Grand-Kloto » sous l’administration coloniale française suite au second partage du Territoire togolais en 1919, il choisit d’émigrer vers la Gold Coast (actuel Ghana) pour y faire une formation professionnelle auprès d’un Maître Menuisier-Charpentier natif de son Terroir natal et installé en Gold Coast britannique quelques années plus tôt.

(Travail en cours …)

Intronisation et Prise de Fonction.

La période allant des années 1920 au début des années 1930 était marquée par une vacance au niveau du Trône de la Chefferie coutumière d’Agu-Kebo-Toé, suite à une longue maladie de Tɔgbui Abam (Grand-Père de Tɔgbui Abam actuellement en Fonction), suivie de son décès.
Cette vacance de poste était gérée à titre intérimaire par un Régent (Zikpuikpɔla en Eʋegbe) assisté par les Dignitaires (Fiaɖuʄemenɔla en Eʋegbe) de la Chefferie coutumière issus de la Titulature précédente et encore en vie, notamment le « Tsyami » (ou Gbeɖɔla en Eʋegbe), le « Dutɔ » (ou « Mankraɖo » qui est une appellation empruntée au Twi de l’aire sociolinguistique voisine Akan), la « Nyɔnu-Fia » et les « Asafo »  .
Les conséquences dramatiques de la Crise économique mondiale de 1929 pour les populations sous domination coloniale ajoutées aux méthodes violentes du colonisateur français envers ces populations avaient poussé les Notables (Dumegã) à se pencher sérieusement sur la nécessité d’introniser après cette longue période un nouveau Chef coutumier vertueux et courageux, capable de défendre valablement les intérêts de la Communauté villageoise, surtout vis-à-vis de l’Administrateur colonial français.

Les différentes tractations menées par le Conseil coutumier de Désignation des Successeurs (communément appelé dans le Terroir le Ɣédóhá ou les Ɣédóláwó en Eʋegbe) auprès des différents Notables (Dumegã), auprès des différents Dignitaires (Fiaɖuʄemenɔla en Eʋegbe) et auprès de la Famille du Chef coutumier défunt Tɔgbui Abam avec qui le (futur) Tɔgbui Abɔɖi est lié par parenté, avaient débouché sur le choix très discret porté sur ce dernier.

C’est ainsi qu’il a été officiellement désigné par ce Conseil coutumier après son retour de la Gold Coast (actuel Ghana) et a été officiellement intronisé en 1938, en pleine Crise économique mondiale ayant donné l’occasion au violent envahisseur colonial français de spolier davantage les Populations africaines.

On comprend donc que sa Prise de Fonction a eu lieu dans un contexte socio-politique particulièrement tendu et dans un contexte socio-économique très fragile qui exigeaient donc une Solidarité communautaire tenace autour des Institutions endogènes fortes.

Définition de Politique de Développement communautaire et endogène.

Du-Fia Tɔgbui Abɔɖi (au milieu) entouré du Du-Tsyami Tɔgbui Agboklu (à sa droite) et du Du-Asafogã Tɔgbui Agbobli (à sa gauche), dans leur Tenue d’Apparat  autour des années 1966/1967 (Crédit : K. Vako FOLIKPO).

Dès son accession au Trône, Tɔgbui Abɔɖi, en parfaite concertation avec les Dignitaires de son Prédécesseur qui étaient encore vivants, en concertation avec les Notables (Dumegã) et dans le respect de la continuité de la gestion des affaires communautaires, a réussi à définir sa Politique locale dont voici quelques uns des Axes principaux:

  • La Revitalisation de la Démocratie directe ancestrale;
  • Les Mesures de Salubrité publique et de l’Ordre public;
  • L’Autosuffisance alimentaire au sein de la Communauté villageoise;
  • La Sécurité des Biens des Membres de la Communauté villageoise tant au village que sur les Champs;
  • La Construction et l’Entretien des Infrastructures d’Utilité publique;
  • L’Application habile et cohérente du Principe administratif de Subsidiarité vis-à-vis de l’Administration coloniale française, au grand dam de cette dernière, et plus tard vis-à-vis du régime néocolonial incarné par Feu Eyadema Gnassingbé.
  • L’intensification de l’Inclusion des Toéennes et des Toéens vivant hors du Terroir dans les actions de Développement communautaire;
  • L’accent mis sur les Consultations inter-communautaires au niveau des Chefs coutumiers sur les sujets d’intérêt régional ou national;
  • L’accent mis sur l’Harmonie sociale à travers un règlement sage et prudent des Questions liées aux accusations de maléfice et d’envoûtement.

Quelques uns des anciens Dignitaires expérimentés qui avaient accompagné Tɔgbui Abɔɖi dans cette Définition de Politique sont Tɔgbui KOTA-LATE (alias Dutɔ LATE) et Tɔgbui SAKI SAH-FOLIKPO (alias Tɔgbui FOLIKPO), dont voici quelques unes de leurs rares Photos qui ont été difficilement retrouvées:

 

Tɔgbui Dutɔ LATE, dans les années 1976/1977 (Crédit: K. Kofi FOLIKPO, PYRAMID OF YEƲE) Tɔgbui Du-Tsyami FOLIKPO, dans les années 1961/1962 (Crédit: K. Kofi FOLIKPO, PYRAMID OF YEƲE)

La Revitalisation de la Démocratie directe ancestrale.

Photo d’une Assemblée populaire villageoise (Hɔnu en Eʋegbe) à Agu Kebo-Toé (TOGO) en 2018, illustrant la perpétuation de la Démocratie directe ancestrale.
(Crédit:  Timothée Kokou S. WULEME / K. Kofi FOLIKPO)

L’Exécutif (Fiahá), le Législatif (To) et l’ensemble des Membres d’une Communauté territoriale () interagissent dans la Démocratie ancestrale du Peuple Eʋe à Trois niveaux de concertation et de délibération:

  • le niveau des Assises réservées exclusivement aux Dignitaires de la Chefferie coutumière (Fiaɖuʄemenɔlawo):
  • le niveau des Assises de la Chefferie coutumière (Fiaɖuʄemenɔla) élargies aux Notables (Dumegãwo);
  • le niveau des Assises englobant l’ensemble de la Communauté (), les Notables (Dumegãwo) et les Dignitaires de la Chefferie coutumière (Fiaɖuʄemenɔlawo).

Le premier niveau réservé exclusivement aux Dignitaires (Fiaɖuʄemenɔlawo) est désigné sous l’appellation de « Nyame » . Le terme « Nyame » est un Mot composé du Substantif « Nya » (Parole, Palabre, Verbe) et de la Postposition « me » (dans). L’expression idiomatique « yì Nyame » signifiant littéralement « entrer en palabre » exprime donc l’idée de Joute oratoire houleuse mais courtoise habituellement entretenue par les Dignitaires d’une Chefferie lors de leurs Assises.

Le deuxième niveau d’interaction démocratique englobant les Dignitaires (Fiaɖuʄemenɔla) et les Notables (Dumegãwo) est connu sous l’appellation de « Kutukpá » . Le terme « Kutukpá » est un Mot composé des Substantifs « Kutu » (Conclave) et « Kpá » (Aparté). En d’autres termes, le « Kutukpá » des Eʋe désigne un Conclave important tenu dans une Communauté territoriale () par les Dignitaires de la Chefferie (Fiaɖuʄemenɔlawo) ensemble avec les Notables (Dumegãwo). L’expression idiomatique « nɔ Kutukpá me » signifie donc « se réunir en Conclave » .

Le troisième niveau englobant l’ensemble de la Communauté territoriale (), les Notables (Dumegãwo) et les Dignitaires de la Chefferie (Fiaɖuʄemenɔla) est connu sous l’appellation de « Hɔnu » . L’expression idiomatique « yi Hɔnu me » signifie donc « participer à l’Assise publique englobant l’ensemble de la Communauté, les Notables et les Dignitaires » .

L’avèvement de Tɔgbui Abɔɖi après une période de régence due au décès de Tɔgbui Abam II a permis de redynamiser cette Démocratie ancestrale.

En effet, Tɔgbui Abɔɖi a réussi une Politique de Proximité à travers la convocation fréquente des Assemblées populaires (Hɔnu en Eʋegbe) après Consultation des autres Dignitaires (Fiaɖuʄemenɔlawo) et des Notables (Dumegã). Il a réussi à redonner à la Place du Village (Dù-Blɔme, Ablɔme) sa Fonction sociale de Rassemblement communautaire.

(Travail en cours …)

Les Mesures de Salubrité publique et de l’Ordre public.

Agu Kebo-Toé avait connu dès sa fondation l’interdiction stricte d’y élever des chiens ou de les y introduire sans les tenir en laisse. Cette interdiction était officiellement expliquée au grand public avec des arguments cultuels et spirituels (ce qui est en partie explicable du point de vue cultuel et spirituel …). Mais l’aspect sanitaire et sociétal lié à cette interdiction relève plutôt de la nécessité de Salubrité publique et de la nécessité de Prévention de certaines maladies hautement dangereuses et dont le chien est le vecteur principal. En effet, les morsures de chien (auxquelles les enfants surtout sont dangereusement exposés) déclenchent habituellement la maladie de la Rage, même si le chien mordant n’est pas enragé. A cela s’ajoute l’habitude comportemental du chien de déféquer partout à l’air libre dès qu’il sent le besoin. Or il est bien connu que les excréments du chien propagent facilement les agents pathogènes de certaines maladies dangereuses telles que le Tétanos. Les chiens errants dans un village deviennent ainsi non seulement des animaux perturbant l’Ordre public, mais ils compromettent aussi la Salubrité publique. Dans le souci de donner une suite favorable aux Chasseurs qui sentaient le besoin d’élever des chiens de chasse sous leur propre surveillance (et non dans un village avoisinnant où l’élevage du chien n’était pas interdit), Tɔgbui Abɔɖi recommanda aux Chasseurs de Kebo-Toé de construire des hameaux décents sur des champs non loin du village et d’y entretenir leurs chiens qu’ils peuvent occasionnellement amener chez eux à domicile, mais en les tenant strictement en laisse! Le problème lié au chien et ayant été souvent à l’origine de conflits inter-familiaux en cas de morsure de chien était ainsi réglé de façon pragmatique.

Une autre solution pragmatique relative à la Salubrité publique a été interdiction faite par Tɔgbui Abɔɖi dès son avènement de laisser les petits ruminants (caprins et ovins) ainsi que les porcins déambuler dans le village de façon sauvage en causant souvent des dégâts dans les concessions et en entraînant ainsi des conflits inter-familiaux récurrents. C’est ainsi qu’il mit sur pied un Comité de Salubrité publique (vraisemblablement inspiré de ce qui se faisait dans la Gold Coast britannique voisine) et dénommée « Tangas« . Chaque éleveur était exhorté à construire un enclos pour ses animaux et pouvait les laisser se promener à l’air libre pour un temps précis, puis devait les faire entrer de nouveau dans l’enclos. Mais avant la tombée de la nuit, tout animal toujours en divagation dans le village était capturé par les Agents du « Tangas » et ne pouvait être récupéré par son propriétaire que sur paiement d’une amende! Passé un délai réglémentaire tout animal ainsi enlevé était vendu aux enchères!

Sur le plan de l’Ordre public que chaque habitant devait observer scrupulement, on pouvait souligner entre autres les Mesures suivantes rehabilitées par Tɔgbui Abɔɖi :

  • L’interdiction stricte d’aller puiser de l’eau au marigot à la tombée de la nuit (respect de la régénération nocturne de la faune aquatique);
  • L’interdiction stricte de siffler la nuit (respect du repos nocturne);
  • L’interdiction stricte de piler au-delà de 20 heures (respect du repos nocturne)

Un comité de Vigile supervisé par les Asafo dans chaque Quartier veillait certes à la bonne observance de ces interdictions, mais le succès collectif dans le suivi de ces réglémentations provenait essentiellement du bon Sens de la quasi-totalité des habitants.

 

La Promotion de l’Autosuffisance alimentaire au sein de la Communauté villageoise.

Une des Priorités socio-économiques de Tɔgbui Abɔɖi dès sa Prise de Fonction a été la Promotion de l’Auto-suffisance alimentaire au sein de sa communauté. En effet, il a été constaté que les Cultures de Rente destinées exclusivement à l’exportation telles que le Cacao et le Café ont reçu une attention particulière depuis l’époque coloniale allemande, au point où la production des Cultures vivrières avait connu une régression significative. Ces Cultures de Rente avaient pris avec le temps la forme de monoculture extensive ayant fait disparaitre une bonne partie des verdoyantes forêts tropicales sur les versants et dans les vallées du Mont Agu.

Le constat fait sur la régression significative des Cultures vivrères amena donc l’équipe dirigenate de Tɔgbui Abɔɖi à inciter la Communauté villageoise à remplacer progressivement la monoculture extensive des Produits de Rente (Cacao et Café) par la culture mixte et intensive qui combinait selon les sols les plantes à tubercules donnant une récolte trimestrielle, semestrielle ou annuelle (tels que le taro, l’igname et différentes variétés de manioc ) avec les cultures de rente (Cacao et Café en l’occurence).

Outre cette inititiative incitative pour la promotion de la culture mixte et intensive, des mesures plus contraignantes avaient été prises particulièrement en direction de la Jeunesse pour encourager la monoculture vivrière axée essentiellement sur les céréales (en l’occurence le maïs) et sur les légumineuses (en l’occurence le niébé) dans les vallées du Mont Agu. Chaque jeune homme en âge nubile devrait montrer son champ de maïs, de mil ou de niébé entrentu sur au moins un demi-hectare à un Comité de Contrôle agraire (communément appelé à l’époque les « Agblèkpɔla » ou les « Agblègã » en Eʋegbe) qui a été mis sur pied. Il en était de même pour les jeunes couples au sein de la communauté.

(Travail en cours …)

La Sécurité des Biens au Village et sur les Champs.

Tɔgbui Abɔɖi en Contact avec sa Communauté en 1979. (Crédit: Bruno Kokou  KLUGAN)

(Travail en cours …)

La Construction et l’Entretien des Infrastructures d’Utilité publique.

Tɔgbui Abɔɖi et son Équipe, appuyés par des Natifs du Terroir travaillant comme Fonctionnaires de l’État ou dans les Professions libérales, commencèrent à plaider dès 1962 auprès des Représentants de l’État pour la nécessité d’ouvrir un Centre de Santé ou un Dispensaire au profit de son Village et des Villages avoisinants.

Le Coup d’État sanglant du 13 Janvier 1963 ayant coûté la vie au Président Sylvanus Olympio était venu porter un coup d’arrêt à ces efforts. C’est seulement après le deuxième Coup d’État de 1967 ayant porté Eyadéma Gnassingbé au pouvoir que le Projet de construction du Dispensaire a été relancé en 1968, sans pourtant recevoir le soutien escompté de l’État Togolais. Lassé d’espérer vainement un soutien de l’État qui tarde à venir, Tɔgbui Abɔɖi initia une Levée de Fonds communautaire (Dùgà dzɔdzɔ en Eʋegbe) parmi tous les Natifs du Village vivant hors du Terroir pour l’achat des matériaux de construction. Il mobilisa toujours à cet effet les Natifs du Village vivant dans le Terroir pour des Travaux communautaires hebdomadaires (Dudɔ wɔwɔ en Eʋegbe) en vue de procéder à l’extraction du sable de construction dans le lit de la rivière Gbí près de Gadza-Ʋukpé et procéder ainsi à la fabrication de Parpaings.

(Travail en cours …)

L’Application du Principe administratif de la Subsidiarité.

On peut supposer à juste titre que le séjour de Tɔgbui Abɔɖi en Gold Coast durant sa Formation professionnelle lui a permis de s’imprégner de la Politique coloniale britannique du « Indirect Rule » qui mettait beaucoup l’accent sur la Délégation de Pouvoir de la part de l’Administration coloniale aux Autorités coutumières locales.

C’est ainsi qu’il a mis en oeuvre un Rapport de Subsidiarité entre sa Chefferie et le Représentant de l’Administration coloniale française qu’était le Commandant de Cercle. Dans sa vision des choses, un Chef coutumier (Dufia) doit pleinement jouer son Rôle d’Administrateur local dans son Ressort territorial et rendre compte en cas de besoin au Commandant de Cercle. De même, ce dernier ne peut nullement intervenir directement dans le Ressort territorial d’un Village sans avoir préalablement avisé l’Autorité locale qu’est le Chef coutumier (Dufia).

Le Colonisateur français, habitué à l’intrusion brutale, arrogante et violente dans la vie quasi-quotidienne des Communautés de Base, a dû ravisser dans le Terroir d’Agu, quand Tɔgbui Abɔɖi , suivi plus tard par d’autres Chefs coutumiers du Terroir d’Agu, ont réussi à lui faire comprendre que seul un Chef (Dufia), garant des Us, des Coutumes, des Traditions et des Valeurs propres aux Habitants d’un Ressort territorial, peut inspirer la confiance nécessaire aux Administrés dans le traitement de toutes les Questions communautaires. Le Commandant de Cercle de Kloto a fini par comprendre que la perception erronée que le colonisateur français a toujours voulu avoir du rôle d’un Chef coutumier africain comme simple « courroie de transmission » entre les Populations colonisées et le Pouvoir colonial central ne pouvait pas être valable partout et avait dû ravisser.

(Travail en cours …)

Une Politique d’Inclusion de tous les Natifs émigrés ou vivant dans le Terroir.

Il est important d’entrée de souligner que la communauté villageoise d’Agu Kebo-Toé est traversée depuis la violente invasion coloniale française dès les années 1920 par deux Courants idéologiques diamétralement opposés:

  • un Courant anti-colonialiste et nationaliste, très majoritaire, qui sera vivement animé dès les années 1946/1947 par les militants et sympathisants du CUT (Comité de l’Unité Togolaise) et de la JUVENTO;
  • un Courant collaborationniste et opportuniste, très minoritaire, animé dès la même époque essentiellement par quelques délateurs zélés et quelques activistes alimentaires du PTP (Parti Togolais du Progrès), moyennant un petit poste subalterne dans l’Administration coloniale française, moyennant un soudoiement clandestin par le Commandant de Cercle et ses Auxilliaires nègres ou sous l’effet du chantage intense subi de la part des Administrateurs coloniaux français.

On peut comprendre donc que l’actuel clivage idéologique au sein de la Communauté villageoise entre les partisans du collaborationnisme, opportunistes et minoritaires alignés derrière le régime néocolonial togolais de Gnassingbé-père-et-fils d’un côté, et les partisans de la Dignité et la Fierté nationaliste, majoritaires et soucieux d’un véritable État de Droit, soucieux du respect des Libertés citoyennes fondamentales, soucieux du respect des Droits humains fondamentaux et soucieux du respect de la Légitimité populaire, plonge ses racines dans les soubresauts de l’époque coloniale française. Les premiers sont donc à considérer comme les « héritiers idéologiques » du Parti Togolais du Progrès (PTP) qui sont pro-colonialistes et pro-néo-colonialistes, tandis que les deuxièmes sont les « héritiers idéologiques » du Comité de l’Unité Togolaise (CUT) et de la Juvento qui sont anti-colonialistes et anti-néo-colonialistes.
On voit donc dans quel environnement social d’intense Polarisation Tɔgbui Abɔɖi devait administrer l’ensemble de la Communauté villageoise. Cette Polarisation pouvait devenir encore plus dangereuse pour la Cohésion sociale si les différences d’appartenance familiale, clanique ou cultuelle devraient s’y ajouter.
Afin de pouvoir transcender ce clivage inhibiteur et se hisser au-dessus de la mêlée, il s’est habilement appuyé sur les conseils des autres Dignitaires plus âgés et plus expérimentés et sur ceux des Notables (Dumegã) pour appliquer habilement la Philosophie politique ancestrale d’Inclusion triadique des Forces citoyennes, comme le Schéma ci-après en donne une illustration.

Schéma illustrant les Trois Pôles conceptuels de la Philosophie politique ancestrale du Peuple Eʋe (Crédit: K. Kofi FOLIKPO, PYRAMID OF YEƲE).

 

En effet, cette Philosophie politique ancestrale multi-millénaire des Eʋe postule que la vie socio-politique sereine et équilibrée d’une Cité ou d’une Communauté émane de Trois Pôles conceptuels que sont le Concept de la Foi (Atám en Eʋegbe ), le Concept de l’Intellect ( en Eʋegbe) et le Concept de la Fortune ( en Eʋegbe), comme cela est longuement discuté dans [K. Kofi FOLIKPO 2007] cité en bibliographie et comme cela est brièvement exposé sous ce Lien.

Pour rappel, il faut souligner que le Concept d’Atam (la Foi) chez les Eʋe n’a rien à voir avec une croyance naïve en un messie ou en un paradis après la mort selon les écrits des religions dites abrahamiques. Il renvoie plutôt à la notion de Force supranaturelle (Atsɛ en Eʋegbe) venant des Lois cosmiques et sacrées qui gouvernent l’ensemble de la Création Divine et avec lesquelles les Humains entretiennent toujours un rapport infaillible. La locution « ká Atám » (prêter serment) vient de ce Concept.
Le Concept de (la Fortune) n’a rien à voir avec l’accumulation superflue et souvent indue de biens matériels, à l’instar de ce que le Captialisme occidental débridé a déversé sur toute l’Humanité jusqu’ici. Il renvoie plutôt à la Capacité de Production et de Distribution harmonieuses de Biens et de Services pour le bonheur de l’ensemble de la Communauté, voire pour le bonheur de l’Humanité toute entière. Les Mots composés « Hótɔ » (un/e Fortuné/e) et « Hokui » (Cauris servant de monnaie d’échange commercial) viennent de ce Concept.
Le Concept de «  » (l’Intellect) n’a rien à voir avec un simple Lettrisme, avec un simple parcours universitaire ou avec des titres et grades académiques, à l’instar de ce que la fanfaronnade occidentale nous a habitué depuis des siècles à travers le monde. Il renvoie plutôt à la Capacité de l’Esprit humain (ou du Génie humain) de créer des Idées novatrices à partir de l’observation méticuleuse et la compréhension holiste des Lois immuables gouvernant l’ensemble de la Création Divine ou de mettre en pratique ces Idées novatrices pour le bonheur de l’ensemble de la Communauté, voir pour le bonheur de l’Humanité entière. Le Mot composé « Sádzí » (l’Expert) vient de ce Concept.

Puisque le Pouvoir politique considéré comme divin et sacré (Atsɛ ou Acɛ en Eʋegbe) dans la Philosophie politique Eʋe est de nature triadique déjà dans l’émergence conceptuelle de l’Organe Législatif (To en Eʋegbe) , sa matérialisation à travers l’Organe Exécutif (Fiahá en Eʋegbe) est aussi de nature triadique, comme le Schéma ci-après en donne l’illustration:

Schéma illustrant la Structure triadique de l’Organe Exécutif (Fiahá en Eʋegbe) dans la Philosophie politique Eʋe. (Crédit: K. Kofi FOLIKPO, PYRAMID OF YEƲE).

 

(Travail en cours …)

 

 

Une Politique de Consultations inter-communautaires régulières.

(Travail en cours …)

La Promotion de l’Harmonie sociale.

(Travail en cours …)

Engagement patriotique au niveau national.

L’intense pression de l’Administration coloniale française sur les Populations appelées à soutenir malgré elles l’effort de guerre au profit des Français durant la Deuxième Guerre dite mondiale s’est traduite par l’instauration draconienne de paiement d’Impôts supplémentaires en nature, en plus du paiement annuel d’Impôts et en plus des Travaux forcés au profit des Commis coloniaux français.

C’est ainsi qu’à partir de 1942 les Populations du « Grand Kloto » étaient astreintes à fournir au Commandant de Cercle une quantité importante d’Huile de Palme, de Noix de Palmiste, de Caoutchouc et bien d’autres Produits de Rente destinés à l’exportation.

Les Commis coloniaux français et leurs Auxilliaires nègres corrompus profitaient de cette situation pour extorquer abusivement aux pauvres Populations des quantités supplémentaires de ces Produits de Rente afin d’alimenter leur propre circuit commercial d’exportation.

(Travail en cours …)

 

Texte des Paroles en Eʋegbe  Traduction française
Dzoɖagbe ʄe ga wuieve Abobo aɖe ɖi ɖeee
Dzoɖagbe ʄe ga wuieve Abobo aɖe ɖi ɖeee
Wo dzo dzo na Abɔɖi eee
Wo do dzo na Awute eee
Wo do dzo na Sadzi eee
Nya ma me dzɔ le Tɔgbui Tɔgbuiwo ŋɔli o
Ye ŋuti Ametsitsiawo kpe ta eee
Be woa wɔ kɔnu na wó looo
Be woa wɔ kɔnu na wó looo
Miawó ŋutɔ tɔ yé nye Togo a
Enɔnɔ glo mi
Miawó ŋutɔ tɔ yé nye Togo a
Enɔnɔ glo mi
Frãse yevuwo be ye wó a gba Dua
Ye zu hlɔ si Togo ya bia
Enɔnɔ glo mi
Nu ma ta wó lé mía nɔvi geɖewo
Le neʄui ta
Nu ma ta wó do dzo na ameaɖewo
Be wóa ʄu
Avivɔ mawɔmawɔ
Ŋdɔ kutsu ga wuieve toŋ toŋ toŋ
Avivɔ mawɔmawɔ
Ŋdɔ kutsu ga wuieve toŋ toŋ toŋ
Susuɛa siwo be ye wo ma lɔ o la
Wo yi Abogo le Ŋlesi kpa dzi
Ɖɔkita Aku Akpe na wò Dzɔgbeynui na wò
Dumegãwo me kla mi looo
E dzè agbagba, Mister Olympio
E dzè agbagba, Mister Olympio eee
Togo ya xɔ Ablɔɖe
E dzè agbagba, Mister Olympio
E dzè agbagba, Mister Olympio eee
Togo ya xɔ Ablɔɖeee
Une clameur s’est levée lundi à midi
Une clameur s’est levée lundi à midi
On a exposé Abɔɖi au Bûcher!
On a exposé Awute au Bûcher!
On a exposé Sadzi au Bûcher!
C’est du jamais vu au temps des Ancêtres
C’est pourquoi les Notables se sont réunis
Pour leur faire des Cérémonies
Pour leur faire des Cérémonies
Le Togo nous appartient
Mais il nous est difficile d’y vivre
Le Togo nous appartient
Mais il nous est difficile d’y vivre
Les Français sont décidés à ruiner le Pays
Voilà pourquoi on s’en prend au Togo
Il nous est difficile d’y vivre
Voilà pourquoi beaucoup de nos Compatriotes
Sont en prison cause des Noix de Palmiste
Voilà pourquoi certains ont été
Exposés au Bûcher ardent
Sans qu’il ne fasse froid
En plein midi sous un soleil de canicule
Sans qu’il ne fasse froid
En plein midi sous un soleil de canicule
Le reste qui ne voulait pas se laisser faire
Partait pour Abogo en colonie anglaise
Honneur à vous, chers Notables
Docteur Aku, Merci à Toi, Bonheur à Toi
Il s’est sacrifié, Monsieur Olympio
Il s’est sacrifié, Monsieur Olympio
Pour l’Indépendance du Togo
Il s’est sacrifié, Monsieur Olympio
Pour l’Indépendance du Togo
Nos vifs et sincères Remerciements à Madame Akuwa LATE (Personne-ressource) et à Monsieur Richard Agbessi DEGBOE

 

(Travail en cours …)

Remerciements
L’Auteur de la présente Publication tient à remercier vivement Madame Louise Mansa KLUGAN (France) pour les Informations fiables et les Précisions importantes qu’elle lui a fournies dans le cadre de la Rédaction de la présente Publication visant à contribuer à la Conservation de la Mémoire Collective de ce Terroir et visant à mettre en lumière la précieuse Valeur des Institutions socio-politiques endogènes de ce Terroir afin de servir de Répères sûrs pour les Générations futures.
Il tient à remercier par ailleurs Monsieur Timothée Sewonou Kokou WULEME (Togo) pour d’autres Informations très précises qu’il lui a fournies dans le cadre de la réalisation du présent Travail.
Il remercie enfin d’autres nombreux Toéennes et Toéens pour leurs divers apports d’informations et pour leurs vifs Encouragements durant la réalisation du présent Travail.

 

Références bibliographiques:

  1. BATCHANA, Essohana: Ablodé. Ablodé Gbadja! Symbole d’une indépendance manquée au Togo? L’exemple du Cercle de Klouto, Chef-lieu Kpalimé. Rennes: Presses Universitaires de Rennes, pages 231-251, 2019. (téléchargeable du site books.openedition.org).
  2. FOLIKPO, Kofi Komdedzi: Éléments de Philosophie politique africaine: Culture démocratique multimillénaire chez les Peuples du Golfe de Bénin. (Manuscript publié en 2007 sur le Site d’informations  TOGOCITY et téléchargeable à partir du Site www.academia.edu ).
  3. FOLIKPO, Kofi Komdedzi: Toponymes, Patronymes, Ethnonymes, Hydronymes et Histoire des Ewe: Jalons pour une Historiographie objective d’Agu Kebo-Toé et Contribution à l’Histoire des Eweawo. Saarbrücken: Presses Académiques Francophones, Juillet 2017.
  4. MARGUERAT, Yves: Un Document exceptionnel: La guerre de 1914 au Togo vue par un Combattant allemand. Lomé: Centre ORSTOM, 1987.

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