Tɔgbui Agu-Yebua à «Toenu»

 

Fondation en Pierre taillée de la Maison Familiale Late à Agɔɖome, Point de Naissance du Village d’Agu-Kebo-Toé
(Crédit: PYRAMID OF YEƲE
)

Les Jalons d’une Historiographie objective et systématique de la Communauté villageoise d’Agu Kebo-Toé doivent commencer sans doute par la compréhension de la vraie signification du Toponyme «Toé» attribué à ce village fondé vers le début du 18e siècle de notre ère, très vraisemblablement autour de 1730.
Contrairement aux affabulations aussi surréalistes que puériles voulant faire croire aux jeunes peu éveillés du terroir que le toponyme «Toé» viendrait de l’action de piler () tout assaillant qui se serait jadis aventuré à agresser ce village, les recoupements de plusieurs sources orales sérieuses avec les documents écrits par les explorateurs européens (déguisés en ‘missionnaires’) dès le 18e siècle et par des administrateurs coloniaux allemands au 19e siècle de notre ère permettent d’affirmer ici que le toponyme «Toé» vient simplement du mot composé «Toénù» signifiant littéralement «sur le talus/sur le flanc» en Eʋègbè.

Selon la Tradition orale assez fiable du Terroir, le Patriarche Yebua (Ancêtre commun des Familles Late, Azoé et leurs alliés) issu d’un Clan très ancien du groupe ethnique des «Bòtsò» qui sont une branche des «» ou «Guin» comme cela est déjà largement expliqué ICI ) était un agriculteur et un chasseur intrépide qui avait l’habitude de chasser jusque sur les bords du fleuve Ziɔ (Zio) dans les vallées environnantes.
Il lui arrivait de rester en brousse pendant plusieurs jours avant de revenir à domicile avec du gibier. À cette époque toute la Tribu multiethnique (Awɔ) des « Kebuawó » habitait à l’endroit connu aujourd’hui sous les appellations «Kebu« »/«Kebo» ou «Aʄékpome» et qui est situé juste au Sud-est de l’actuel village d’Agu Kebo-Dzigbé (fondé bien plus tard).
Pour ses randonnées de chasse de plusieurs jours en brousse, le Patriarche décida donc de construire un petit hameau (Kɔʄé) sur le site actuel du village d’Agu Kebo-Toé, et plus précisément à l’emplacement où les missionnaires allemands construiront bien plus tard la première école d’alphabétisation et de catéchisme en 1894.
Il expliqua aux siens qu’il a construit son hameau sur le «sur le talus» (Toénù) situé à mi-chemin entre le sommet du Mont Agu où se trouve leur habitat et les vallées environnantes où ils pratiquent leurs activités agricoles (culture sur brûlis) et la chasse.
En effet, la position géomorphologique de ce site retenu par le Patriarche Yebua (surnommé Agu-Yebua avec le temps) pour implanter juste un petit hameau de chasse (Àdè-Kɔʄé) est celle d’un talus (Toénù) pour des raisons stratégiques, sécuritaires et pratiques.

Illustration d’un Talus sur le Mont Agu 

Un talus (Tónu ou Toénu) en Géomorphologie est un terrain en forte pente qui limite un glacis, une terrasse ou un fossé (Àgà).
Une observation objective de la position géographique de ce village aujourd’hui confirme d’ailleurs cette appellation.
Le Géographe et Missionnaire allemand Christian Hornberger (né le 27 octobre 1831 à Oberkochen dans le Baden-Württemberg en Allemagne et mort en 1881 à Keta au Ghana actuel) a clairement indiqué dans ses Travaux de Recherches faits minutieusement sur le terrain en Linguistique, en Ethnographie et en Géographie (et cités ici en bibliographie) que le Toponyme «Toe» vient de sa position géographique.
Témoin oculaire de la guerre des Ashanti contre les Eʋe de 1870 à 1873 en sa qualité de  »missionnaire blanc non impliqué » résidant à Waya (sur les rives de la Volta) à l’époque, il avait réussi avec les moyens de bords limités à l’époque à établir avec une minutie impressionnante la cartographie ci-après pour la région de Misahöhe et pour tout le Togo allemand naissant en y mentionnant clairement le Toponyme «Kebu-Toe»:

Carte géographique de la région d’Agu datant de l’époque coloniale allemande et indiquant nettement le village de Kebo-Toe et les autres villages environnants. (Crédit: Christian Hornberger, 1867).

Le Géographe autrichien Oskar Baumann ayant travaillé jusqu’en 1895 pour le compte de l’Administration coloniale allemande naissante au Togo dans le domaine des levées topographiques et cartographiques sur le Mont Agu (en ayant même eu la prétention arrogante de vouloir le rebaptiser en «Pic Baumann» pour son propre honneur!), a aussi avancé dans ses Travaux assez objectifs cités en bibliographie que le Toponyme «Toé» vient de sa position géographique.
Pour ce qui concerne les premiers lieux d’implantation des concessions suivis de l’extention progressive du hameau pour devenir un village avec l’arrivée graduelle d’autres clans et familles, les preuves sont assez formelles sur le processus.
En effet, le Patriarche Yebua (alias Agu-Yebua) en sa qualité de digne Descendant des pratiquait ensemble avec les autres membres de la communauté le culte sacré des Divinités typiquement telles que « Mama Kɔlɛ » (devenue « Kɔlɔɛ » par déformation phonétique) qui est l’expression symbolique de la Vie dans Mère-Nature à travers les Sources d’Eau douce.
Les uns et les autres peuvent comprendre à présent pourquoi la rivière alimentant le village de « Toé » en Eau douce dès sa fondation a pris l’appellation de « Kɔlɔɛ« .
Et en sa qualité d’agriculteur et de chasseur (donc en rapport permanent avec la Faune et la Flore) le Patriarche pratiquait le culte d’une autre Divinité clanique typiquement (ou Guin) qui s’appelait Atèmlè (ou Atègblè) et dont la Fonction était de participer à la régénération cyclique et harmonieuse de Faune et de la Flore.
Il fit installer le sanctuaire de cette Divinité non loin de son hameau à l’emplacement exact où se situe aujourd’hui la chapelle de l’Église évangélique d’Agu Kebo-Toé, sous un grand fromager (Ʋú ou Ʋútí) que l’on pouvait voir de très loin et qui finit par servir de repère ou d’orientation lorsque les gens devaient se déplacer entre leur habitation (Kebo et Goli-Kɔʄe) et les vallées environnantes pour leurs diverses activités.
A la mort du Patriarche Agu-Yebua, ses descendants ont continué d’entretenir soigneusement le sanctuaire, même si le culte n’était plus pratiqué dans la même ambiance comme cela fut le cas de son vivant.
Mais le fromager (Ʋú ou Ʋútí) ayant abrité le sanctuaire et baptisé «Àtegbleʋú» ou «Àtemleʋú» avec le temps, continuait de remplir sa Fonction d’orientation géographique pour les gens, jusqu’à ce qu’une première petite chapelle de l’Église évangélique de la Mission de Brême y soit construite plus tard pour les nouveaux convertis de Kebo-Toé, de Kebo-Agblɔdome et de Kebo-Dalave.

Comme on peut le remarquer de tout ce qui précède, la genèse, l’évolution et l’expansion du village d’Agu-Kebo-Toé ont suivi une dynamique progressive et centripète d’intégration habile et d’harmonisation de différentes composantes sociales qui ont librement choisi de se mettre ensemble pour leur épanouissement collectif et individuel.
Les mécanismes séculaires pour cette intégration passent par les liens de mariage, par les liens de parenté patrilinéaires et matrilinéaires, par les liens socio-économiques et corporatifs ainsi que par les liens cultuels très séculaires. Presque toutes les Familles d’Agu-Kebo-Toé sont ainsi entremêlées à travers ces liens très complexes, au point où aucun Toéen ou aucune Toéenne ne peut jamais ne pas se sentir lié de près ou de loin à un autre Toéen ou à une autre Toéenne.
On peut constater également de tout ce qui précède que l’évolution et l’expansion de ce village n’ont pas eu lieu de façon anarchique, mais plutôt dans le respect scrupuleux du Principe ancestral multi-millénaire de la Continuité fonctionnelle dans la
Réadaptation aux nouvelles donnes et dans la Coexistence harmonieuse:

  • un lieu de culte demeure un lieu de culte à côté des lieux d’habitation, même si la nature du culte peut avoir changé avec le temps (comme ce fut le cas du site cultuel d’ «Ategbleʋuɖome» devenu «Mission Kpodzi»);
  • une place publique (Ablɔme) pour la tenue de l’Assemblée populaire villageoise (Hɔnu) continue de remplir cette Fonction sociale au fil des générations, quels que soient les réaménagements modernes apportés aux habitations environnantes.

Tout ceci illustre parfaitement que le Peuple Eʋe (à l’instar de tous les autres Peuples Africains) ont la notion capitale du Plan d’Occupation du Sol (POS) depuis la nuit des temps, contrairement aux allégations mensongères et malhonnêtes de certains pseudo-chercheurs occidentaux (et surtout français) qui ont grossièrement affirmé de façon lapidaire dans leurs écrits fallacieux que les Africains n’avaient aucune idée de l’aménagement du territoire et de l’urbanisation.

© K. Kofi FOLIKPO, PYRAMID OF YEƲE, 2018. Tous Droits réservés.

Références bibliographiques:

  1. BAUMANN, Oskar: Afrikanische Skizzen. Berlin: Diertich Reimer Verlag, 1900.
  2. FOLIKPO, Komdedzi Kofi: Toponymes, Patronymes, Ethnonymes, Hydronymes et Hisoire des Ewe: Jalons pour une Historiographie objective d’Agu-Kebo-Toé et Contribution à l’Histoire des Eweawó. Saarbrücken: Presses Académiques Francophones, Juillet 2017.
  3. HORNBERGER, Christian: Das Ewe-Gebiet an der Sklavenküste von West-Afrika. In: Mittheilungen aus Justus Perthes’ Anstalt über wichtige neue Erforschungen auf dem Gesamtgebiete der Geographie, Band 13, 1867 (Série de Publications scientifiques mieux connue aussi sous l’appellation ‘Petermanns geogaphische Mitteilungen).
  4. PAKU, Ehrhard: Togo ŋutinya tso 1482 vaseɖe 1980. Lomé: Éditions Haho, 1984.