Gestion du Foncier

 

Les Fondements d’une Politique foncière endogène saine et pérenne.


Une partie des Ressources foncières des villages d’Agu-Kebo-Toé, d’Agu-Kebo-Dalave et d’Agu-Kebo-Agblɔdome vue par le satellite Google EarthTM (Crédit Photo: Séverin KOGBLE).

La Question foncière dans un milieu rural comme celui du village d’Agu-Kebo-Toé et de ses voisins a toujours suivi le Droit foncier coutumier jusqu’aujourd’hui, même si le Droit foncier dit « moderne » a commencé à y faire son application timide depuis l’avènement brutal de la colonisation allemande.
Le Droit foncier coutumier qui repose essentiellement sur les Valeurs sociales de la Cohésion communautaire, de la Confiance mutuelle et de la Continuité générationnelle, reconnaît le Droit de Propriété foncière d’abord aux Collectivités locales (familiales, inter-familiales, claniques ou autres) avant que les membres de ces Collectivités n’en jouissent à titre individuel.
Le Droit de Propriété foncière a toujours été reconnu dans ce Terroir à une Collectivité dans les cas suivants:

  • L’Exploitation viagère sur au moins Trois Générations sans être dûment contesté par un tiers. Cette pratique habituellement dénommée Avé lélé ou Anyigba lélé débouche sur les expressions Tɔgbui-nyigba et Mama-nyigba signifiant Terres Ancestrales. Elle remonte généralement au temps du peuplement progressif fait par des Clans Gã (ou Guin) venus de l’ouest vers le 16e siècle suivis par des Clans Adja-Eʋe venus de l’est après passage dans les montagnes de l’Akebu au Nord-ouest pour certains parmi eux.
  • Le Légat dûment confirmé auprès des Autorités coutumières et en présence de témoins. Cette pratique connue sous le terme d’Anyigba-náná était essentiellement pratiquée dans le but d’intégrer de façon horizontale (donc non pas par ascendance) une nouvelle branche (par adoption ou autre) dans une Collectivité.
  • La Donation qui est une pratique connue aussi sous le terme d’Anyigba-náná et dûment confirmée aussi devant les Autorités coutumières et en présence de Témoins, visait essentiellement à renforcer les Liens de Mariage ou de Parenté entre deux Collectivités.
  • L’Achat qui est une pratique connue sous le terme d’Anyigba-ʄeʄle était/est toujours pratiqué au profit de personnes allogènes nouvellement arrivées dans le Terroir et souhaitant se faire intégrer de façon harmonieuse dans la vie socio-économique et socio-culturelle du Terroir.

Même en l’absence d’un Service du Cadastre censé enrégistrer systématiquement les domaines fonciers dans un Régistre Foncier, toute la Communauté villageoise s’est toujours appuyée sur les Valeurs sociales mentionnées ci-dessus et sur la Mémoire collective pour gérer harmonieusement l’ensemble du Patrimoine foncier dans ce Terroir.
Les litiges fonciers entre Collectivités étaient très rares et concernanient essentiellement les imprécisions de délimitations des domaines fonciers appartenant aux différentes Collectivités, au cas où des objets concrets tels que des ruisseaux, des rochers ou des arbres ne faisaient pas d’office de frontières. Ces imprécisions étaient d’ailleurs souvent minimisées grâce à la délimitation des lisières au moyen d’un arbuste appelé « Homiti » qui a fini par prendre pour cette raison l’appellation de «Liʄoti».

La Gestion du Foncier dans le Terroir du Mont Agu face aux Mutations socio-économiques, démographiques et étatiques.


Travaux d’aménagement des Périmètres de culture dans les Vallées du Mont Agu (TOGO).

Les problèmes fonciers sont devenus fréquents dans ce Terroir seulement à partir du 19e siècle de l’ère chrétienne, quand Trois Faits majeurs d’ordre socio-économique, historique et politico-administratif ont commencé à affecter la vie de la Communauté de ce Terroir comme partout ailleurs en Afrique:

  1. L’introduction par les Européens de la culture des produits de rente comme le cacao et le café destinés à l’exportation à partir du début du 19e siècle, avec pour conséquence la propension de faire de grandes plantations individuelles pour maximiser le profit;
  2. L’avènement brutal de la colonisation allemande, avec introduction du système européen de Régistre du Cadastre à partir des années 1885/1886;
  3. La vague des expropriations frauduleuses orchestrées à large échelle par les missionnaires européens et par les hommes d’affaires européens (essentiellement allemands) à travers des manipulations des Collectivités locales et à travers des usurpations brutales, comme ce fut le cas du site connu jadis sous l’appellation Vekli-Kɔdzi et devenu aujourd’hui Gonthier-Todzi.

Ces faits ont gravement bousculé la Cohésion communautaire, la Confiance mutuelle et la Continuité générationnelle sur lesquelles la Gestion du Foncier s’est toujours appuyée dans ce Terroir rural.
Des prétentions individualistes pour obtenir des périmètres de cultures de rente assez vastes ont commencé à ébranler sérieusement l’harmonie au sein des Collectivités.
L’empiètement malhonnête sur les domaines fonciers d’une Collectivité voisine, dans l’espoir de faire de plus vastes plantations de café et de cacao a commencé à corrompre dangereusement les moeurs sociales empreintes jusque-là de Probité et de Confiance mutuelle.
Pire, le système séculaire de «Ɖibi ma ɖibi» consistant à partager avec une certaine Équité le fruit de la mise en valeur d’un domaine foncier entre les Travailleurs agricoles, la Collectivité propriétaire et les Moyens de Production (y compris la Terre pour raison d’amortissement et/ou d’actions de régénération) a été sérieusement mis à mal.
L’avènement de la brutale colonisation allemande avec son lot d’expropriations frauduleuses au détriment des Collectivités locales a aggravé les prétentions individualistes chez certaines personnes peu scrupuleuses qui ont introduit la pratique conflictuelle de vente clandestine des Terres appartenant à leur Collectivité (sans l’aval de tous les membres de la Collectivité) ou appartenant même à d’autres Collectivités.
S’il est vrai que la colonisation (allemande, puis française) ayant introduit cette idée de propriété foncière individuelle a institué l’enregistrement des domaines fonciers ruraux au Service domanial et du Cadastre, il n’y a pas eu une sensibilisation intense en direction des Collectivtés propriétaires des domaines fonciers.
A cela s’ajoutent les frais assez élevés pour ces démarches administratives.
Il ressort de cette situation que très peu de Collectivités propriétaires ont officiellement enregistré leurs domaines fonciers auprès du Service domanial et du Cadastre.
Tout cela ne fait qu’augmenter les risques de ventes frauduleuses entraînant des litiges fonciers de plus en plus fréquents.
La convoitise très intense affichée aujourd’hui par des hordes de Chinois, d’Indo-Pakistanais, d’Israéliens et d’Européens envers les Terres agricoles très fertiles dans ce Terroir comme un peu partout ailleurs au TOGO et dans d’autres pays africains (avec la complicité sournoise de certains natifs sans scrupules du Terroir!) exhorte à une large prise de conscience au sein de la population avant qu’il ne soit trop tard!

Les Difficultés rencontrées dans la Mise en Valeur du Foncier rural dans le Terroir du Mont Agu.
 

Photos illustratives de la Culture intensive du Maïs et d’autres Céréales dans les Vallées du Mont Agu (TOGO).

La première difficulté rencontrée dans la mise en valeur du Foncier rural dans ce Terroir provient du désintessement affichée depuis quelques générations par la Jeunesse vis-à-vis du travail de la Terre. Ce désinteressement est suivi le plus souvent du grave phénomène d’ Exode rural drainant une bonne partie de la Jeunesse vers les milieux urbains où l’on rêve d’une vie meilleure ou vers les pays étrangers où ces Jeunes (n’ayant souvent aucune qualification professionnelle) atterrissent comme une main d’oeuvre servile sur les chantiers de construction, dans la manutention, dans le gardiennage, sur des plantations industrielles ou se lancent dans le travail ruineux de conducteur de « Zemidjan » (Moto-Taxi).
L’argument peu convaincant souvent avancé par ces Jeunes est la détérioration des conditions climatiques entraînant un mauvais rendement dans la production agricole.
À ce problème de désinteressement des Jeunes vis-à-vis du travail de la terre vient s’ajouter l’absence de mécanisation des activités agricoles.
Les outils rudimentaires du travail agricole limitent énormément la productivité et découragent naturellement de nombreux Jeunes.
Une politique responsable en faveur du Monde rural dans ce Terroir très fertile aurait consisté à mettre en location des machines-outils agricoles et des engins agricoles à des tarifs raisonnables en vue d’alléger les tâches aux travailleurs agricoles et augmenter de façon substantielle la productivité.

Bibliographie et Resources internet:

  1. AHADJI, Yaovi Ametefe Valentin: La coopérative de production rurale d’Agou (COPRA). In: Annales de l’Université du Bénin, Séries Lettres, Tome XVI, 1996, pages 1- 31.
  2. ASMIS, Rudolf: Die Stammesrechte der Bezirke Misahöhe, Anecho und Lome-Land. In: Revue de Droit comparé, Stuttgart, 1912.
  3. FOLIKPO, Kofi K.: Droit foncier coutumier, culture de rente néocolonialiste et politique politicienne togolaise portant sur le Patrimoine foncier: la multiethnicité séculaire, le Droit du Sol et les liens inter-ethniques mis à rude épreuve en pays Ewe et en Pays Akposso. (Article publié le 20 Novembre 2006 sur www.togocity.com).


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