Le très ancien Rite initiatique de « Adè » des Chasseurs du Terroir d’Agu

Dédicace
Ce Texte est dédié à Feu Monsieur Traugott Kodzo PATU (alias « Papa Adzoyotɔ PATU » ), un Chef Chasseur (Adegã/Adelágã) intrépide et débonnaire dont les Actes de Bravoure et la Fidélité au Rite ancestral des Chasseurs avaient beaucoup marqué la Curiosité et la vive Mémoire de l’Auteur de la présente Publication durant son Adolescence à Agu-Kebo-Toé.
Il est également dédié à tous les vaillants Chasseurs (Adelawó/Adeawó) du Terroir d’Agu qui nous avaient fait vivre en live la Pratique du très ancien Rite initiatique ancestral d’ « Adè » durant les années 1960 à 1980 à Agu-Kebo-Toé.

Introduction.

Les sociétés qui se disent « modernes et civilisées » (sic!) ont tout de même conservé jusqu’aujourd’hui les activités de la Chasse, malgré l’abondance quantitative et qualitative de la viande provenant de l’élevage industriel. Dans les pays alpins par exemple (en l’occurence la partie orientale de l’Autriche, une bonne partie de la Suisse alémanique et romande, une partie de la France orientale, la Bavière en Allemagne du Sud, une partie de l’Italie du Nord et le Liechtenstein entre autres), les têtes empaillées de Chevreuil (Sade dzɛn en Eʋegbe), d’Antilope ( Eʄí en Eʋegbe), ou de Bouquetin  ( Avegbɔɛ en Eʋegbe) et les cornes bien vernies de Cerf (Ƒè-ɖeka-Dzò-ɖeka en Eʋegbe) continuent de décorer joliment en guise de Trophée de Chasse l’antichambre de certains citoyens ou les salles à manger luxueuses de certains restaurants qui sont spécialisés sur les plats à base de la viande du gibier.

La vidéo ci-après montrant une Partie de Chasse au Bouquetin (Avegbɔɛ en Eʋegbe) en 2017 dans les Montagnes des Grisons (Graubünden en Allemand et Grischun en Rumantsch)  démontre de façon éloquente comment la Tradition de la Chasse est perpétuée jusqu’aujourd’hui en Suisse:

 

Une Confrérie de Chasseurs de Cerfs en Écosse (Royaume Uni) en 2013.Crédit: Field Sports Channel TV

Ce qui est dit de l’espace alpin vaut pour les autres pays européens où la Chasse constitue une « activité de prestige », comme l’image ci-contre d’une Confrérie de Chasseurs écossais en donne une illustration concrète. C’est dire qu’il s’est développé depuis l’Antiquité tardive et le Moyen-Âge dans les pays européens un Art de la Chasse dénommé la Cynégétique.

Par ailleurs, il n’est pas rare d’apprendre que d’éminentes Personnalités occidentales du monde de la Haute Politique, du monde de la Haute Finance et du monde événementiel ou culturel en Europe, dans les Amériques et en Asie (Japon et Chine entre autres) dépensent régulièrement jusqu’aujourd’hui des Millions de Dollar, d’Euro et de Franc suisse pour aller chasser en Afrique ou pour y acquérir de vastes Domaines de Chasse. Ces Chasseurs-Touristes rentrent souvent chez eux avec une queue d’Éléphant (Atiglinyi en Eʋegbe ), avec une dent d’ Hyppopotame (Tomenyi ou Ðɛgbó en Eʋegbe), avec une tête de Crocodile (/Dzakpá en Eʋegbe) ou avec une corne de Waterbuck (Bìtsà en Eʋegbe) qu’ils exhibent fièrement comme Trophée de Chasse. Les images présentées ci-après témoignent de la véracité de ces affirmations concernant la Chasse touristique des Occidentaux en Afrique (une pratique encore connue sous l’appellation euphémique de « Chasse sportive » ):

C’est dire que la Pratique de la Chasse n’a rien d’ « archaïque » (sic!) comme certains nègres vulgairement lettrés, déracinés et aliénés veulent le faire croire assez souvent en se disant « occidentalisés », « christianisés », « islamisés » et « civilisés ».
Elle revêt plutôt une importante Signification anthropologique qu’on peut qualifier d’universel et de trans-culturel, puisque les Peuples Africains tels que les Malinkés et les Bambaras ainsi que les Eʋe ont aussi au même titre que les Peuples européens et asiatiques une très longue Tradition et une très ancienne Culture de la Chasse qu’on remonte habituellement à la Haute Antiquité nubienne et égyptienne.

On peut donc en déduire que c’est seulement sa Contextualisation socio-culturelle et ses Fonctionnalités qui diffèrent d’une Communauté sociale à une autre.

Mais la menace d’extinction de plus en plus croissante pour de nombreuses espèces animales tant en Occident qu’en Afrique recommande de se demander s’il n’est pas nécessaire de revaloriser les saines Fonctions endogènes des activités de Chasse dans le contexte socio-culturel africain pour ne pas laisser librement le champ se faire envahir par des manières exotiques de faire la Chasse qui risquent de porter gravement un coup de grâce fatal à de nombreuses espèces animales en Afrique.
En effet, il est constaté aujourd’hui aussi bien dans de nombreux pays occidentaux qu’africains que de nombreuses espèces animales sont menacées d’extinction irréversible à cause de plusieurs facteurs.
Tandis que les facteurs majeurs de la menace d’extinction pour ces espèces animales en Afrique sont essentiellement liés aux changements climatiques et aux bouleversements écologiques, la menace d’extinction en Occident est principalement d’ordre humain:

  • l’ industrialisation à outrance en Occident pollue intensément avec des gaz toxiques les quelques rares forêts naturelles encore existantes ainsi que les sols et les eaux souterraines pour empoisonner gravement de nombreuses espèces animales ou pour déclencher chez elles des maladies inédites;
  • l’ espace vital de nombreuses espèces animales se réduit de façon drastique en raison de l’ urbanisation à outrance et la construction de gigantesques infrastructures et voies de communication;
  • cette réduction de l’espace vital de ces espèces animales s’aggrave davantage avec l’ extension des espaces cultivables, comme on le voit dans le cas très inquiétant de la destruction des riches forêts amazoniennes au Brésil, des riches forêts tropicales en Indonésie, en Afrique centrale et un peu partout en Afrique de l’Ouest.

L’extinction de nombreuses espèces animales risque de s’accélerer en de nombreux endroits en Afrique si la façon exotique des Occidentaux de pratiquer la Chasse y est importée sans tenir compte de la Signification anthropologique endogène que les Peuples Africains ont toujours accordé aux actvités de la Chasse dans le grand souci de préserver des Equilibres multiformes à divers degrés.

C’est donc à cet exercice très complexe que la présente Publication veut s’adonner.

Regard holiste sur les Activités humaines en relation avec la Chasse dans la Pensée anthropologique Eʋe

Il est bien connu en Anthropologie dans les milieux académiques que la Chasse fait partie (ensemble avec la cueillette) des premières activités des premiers Êtres humains. Et la Mobilité requise pour cette activité a souvent conduit beaucoup de personnes à lui associer (apparemment à tort!) le phénomène anthropologique du Nomadisme.

Une telle association de la pratique de la Chasse avec le phénomène du Nomadisme a conduit à une perception réductionniste des Fonctions qu’elle assume, et surtout des Liens complexes existant entre cette activité et d’autres domaines d’activités telle que la Métallurgie (l’extraction et la transformation des Minérais) ainsi que l’Agriculture (la culture utilitariste des Plantes et leur entretien).

En effet, la Chasse est une activité demandant certes la Mobilité, mais il s’agit d’une Mobilité limitée dans l’espace et dans le temps comme c’est le cas pour les Eʋe, puisque la Chasse n’est pas une activité d’errance éternelle et puisqu’elle débouche inoxérablement et à terme sur la Sédentarisation.

Et la Sédentarisation va de pair avec d’autres domaines d’activité tels que la Métallurgie (l’extraction et la transformation des Minerais) ainsi que l’Agriculture (la culture utilitariste des Plantes et leur entretien).

Parler de la Chasse sans parler de la Métallurgie et de l’Agriculture serait donc une manière de prendre l’arbre pour la forêt. C’est pourquoi la présente Publication veut s’évertuer d’adopter une approche holiste afin de mettre en lumière non seulement les précieuses Fonctions assumées à travers les activités de Chasse, mais aussi de mettre en exergue les Liens indissociables existant entre les activités de la Chasse, de la Métallurgie et de l’Agriculture.

Le Métallurgiste et la Gestion du Monde minéral.

S’il est vrai que les premiers Chasseurs avaient fabriqué leurs armes rudimentaires avec des pierres, avec des arcs et des flêches empoisonnées à partir des lianes et tiges végétales, les Métaux ont fini par révéler aux communautés humaines sédantarisées leur utilité dans la fabrication des armes et des instruments de Chasse encore plus performants.

Grâce à la découverte de la manière de créer artificiellement le Feu, de s’en servir non seulement pour se rechauffer et pour cuire, mais aussi et surtout pour améliorer qualitativement le Travail, les Êtres humains sédantarisés ont compris que des Minerais auxquels on a souvent accès à ciel ouvert (ou parfois en creusant en profondeur), peuvent être transformés grâce à l’ingéniosité humaine pour fournir des Armes de Chasse et des Outils pour l’Agriculture. L’extraction  et la transformation des Métaux ont ainsi donné un Corps de Métier nouveau sans lequel d’autres activités ne peuvent plus être exercées.

Minerai de Fer à l’état brut.

Extraire et transformer les Métaux présuppose une bonne connaissance de la nature et des propriétés de chaque Métal. Et c’est justement sous cet aspect que le Travail des Métaux, la Métallurgie, ne peut plus être perçu comme une activité triviale et banale qui n’a pas de secrets. En effet, chaque Métal (Gùmenú ou Tómenú en Eʋegbe) concentre ou véhicule un type spécifique d’Energie  (Ŋú en Eʋegbe ayant donné le Mot composé Ŋúsé signifiant Force/Capacité).  Seule la personne capable d’identifier correctement le type d’Energie de chaque Métal, de répérer l’endroit précis où il est disponible et de pouvoir l’extraire soigneusement peut le transformer pour une utilité pratique.
L’accès à ces connaissances spécifiques sur la nature et sur les propriétés des Métaux a commencé dans l’Histoire de l’Humanité par l’ observation méthodique de Mère-Nature et par les inspirations systématiques émanant de chaque créature observée méthodiquement. L’observation méthodique d’un Métal comme le Fer par exemple inspire des propriétés inhérentes telles que la Dureté, la Solidité et la Capacité à s’allier à un autre Métal pour lui donner plus de consistance. Ces propriétés qui viennent d’être énumérées sont considérées comme venant d’un Principe immatériel et cosmique qui donne au Métal son Essence.  C’est ce Principe donnant au Métal son Essence qui est désigné avec le terme «  » en Eʋegbe. On comprend donc pourquoi les Eʋe considèrent ce Principe comme quelque chose de hautement sacré qui doit être placé au rang du Divin. Et voilà pourquoi les Eʋe (à l’instar d’autres Peuples d’Afrique et d’ailleurs) placent le Travail du Fer (et par ricochet la Métallurgie en général) sous l’influence cosmique et divine de « Gú » .

Le Métallurgiste est donc dans la vision du monde des Eʋe toute personne qui est sous l’influence de «  » (par naissance ou par activité professionnelle) afin de bien tirer partie de tout ce qui vient du Monde minéral. On dit donc par extension que «  » est le Saint Patron de la Métallurgie et du Métallurgiste.

L’Agriculteur et la Gestion du Monde végétal.

La domestication de certaines espèces végétales et leur culture par les Humains à des fins utilitaristes depuis des millénaires sont tellement ancrées dans les modes de vie et dans les pratiques humaines que beaucoup de personnes ne s’interrogent pas sur les critères ayant été à l’origine de la sélection de ces espèces végétales cultivées et ne s’interrogent pas sur le long processus souvent marqué par de nombreuses mutations dans la vie de ces espèces végétales.

  • Beaucoup de personnes ne s’interrogent pas pourquoi certaines Plantes sont comestibles tandis que d’autres sont vénéneuses pour les Humains.
  • Beaucoup de personnes ne s’interrogent pas comment les Humains en sont arrivés à distinguer les Plantes cultivables des Plantes non-cultivables.
  • Beaucoup de personnes ne s’interrogent pas comment les Humains en sont arrivés à découvrir les Propriétés thérapeutiques de telle ou telle Plante!

Ces Questions cruciales et fondamentales ainsi que bien d’autres sont restées jusqu’aujourd’hui sans réponse, malgré les avancées notables des Sciences de la Vie dans le monde académique.

Certains diront certes que c’est par les multiples expériences heureuses et malheureuses accumulées sur des dizaines de milliers de générations que les Humains en sont arrivés à ces résultats. Mais le caractère systématique de l’Ontogénèse (c’est-à-dire l’origine première de la connaissance) accumulée sur la nature et sur les propriétés de chaque espèce végétale permet d’affirmer que l’acquisition de ces Connaissances n’avait pas débuté seulement avec des tâtonnements chez les Humains dans leurs rapports avec leur environnement. Tout porte à penser qu’il a toujours existé une forme de Communication structurée et de haut niveau entre les espèces végétales et les Humains. Cette forme de Communication non-verbale et bien structurée va au-delà des observations systématiques et empiriques que les Humains ont fait sur la vie des espèces végétales et passe essentiellement par trois canaux:

  • le Vécu inattendu et empirique (Nuteʄe Kpɔkpɔ en Eʋegbe) fait par les Humains en contact avec l’environnement naturel;
  • l’ Intuition révélatrice (Ðeɖefia en Eʋegbe) des Humains dans l’observation de l’environnement naturel;
  • le Rêve prémonitoire (Drɔɛ en Eʋegbe) des Humains qui se confirment dans la réalité par la suite.

Image illustrative d’une espèce végétale comme liaison entre deux univers.

Les Eʋe considèrent que les Connaissances profondes liées au Monde végétal existent comme une sorte de « Base de Données virtuelle » où toutes les informations liées à toutes les espèces végétales existantes, ayant existé et susceptibles d’exister plus tard sont stockées en permanence. Chaque espèce végétale, quoique non mobile en permanence, constitue ainsi une liaison ou un pont entre ce qui est visible (à la surface terrestre) et ce qui est invisible ( enfoui dans les entrailles de Terre), entre ce qui est en contact avec le Soleil d’en haut à travers le rayonnement solaire et ce qui est en contact avec le Soleil d’en bas au coeur de la Terre à travers les énergies telluriques, entre ce qui est directement accessible et ce qui est indirectement accessible, entre ce qui est et ce qui pourra être …
Les diverses propriétés, la nature (bref l’Essence) d’une espèce végétale sont donc encodées à plusieurs niveaux et seul un Principe intelligent propre au Monde végétal permet d’accéder à ces Connaissances profondes enfouies dans cette « Base de Données virtuelle » .
Ce Principe intelligent hautement sacré qu’on peut considérer à juste titre comme le « Génie » du Monde végétal est ce que les Eʋe dénomment « Agɛ » .

Contrairement aux fantasmes populaires et aux spéculations triviales, « Agɛ » n’est pas simplement un « Esprit de la Forêt » (sic!). Il est plutôt ce Principe sacré décodeur aux multiples facettes capable d’accéder à ces Informations profondes attachées à chaque espèce végétale pour les transmettre aux Humains à travers les trois canaux de communication précités ainsi qu’aux Non-Humains (en l’occurence les Animaux) afin que tous en fassent un usage utile!
Voilà pourquoi les Eʋe le surnomment « Gbéwó tɔ » (ce qui signifie littéralement « le Maître/Propriétaire/Détenteur des Plantes » )!

C’est ce Principe sacré qui a transmis aux Humains les Connaissances liées aux Plantes comestibles et cultivables!
C’est ce Principe sacré qui a transmis aux Humains les Connaissances liées à la Toxicité de certaines Plantes!
C’est ce Principe sacré qui a transmis aux Humains les Connaissances liées aux propriétés thérapeutiques des Plantes!
C’est ce Principe sacré qui a transmis aux Humains les Connaissances liés à la compatibilité et à l’incompatibilité entre les Plantes!
C’est ce Principe sacré qui a transmis aux Humains les Connaissances liées aux Vertus magiques et énergétiques des Plantes!

Il est clair donc de tout ce qui précède que l’Agriculteur et toute autre personne en contact régulier avec le Monde végétal sont volontairement ou involontairement sous l’influence du Principe sacré dénommé « Agɛ » en Eʋegbe.

Le Chasseur et la Gestion du Monde animal.

S’il est vrai qu’un Animal (domestique ou sauvage) n’est pas doté de toutes les facultés cognitives et intellectuelles comme les Humains, il n’en demeure pas moins une créature qui ressemble beaucoup aux Humains sur le plan spirituel et mystique (cf. Folikpo 2016, cité en Bibliographie)

En effet, la vie de tout Animal (domestique ou sauvage) repose aussi sur deux types d’Entité immatérielle, au même titre que celle des Humains:

  • le « Luʋɔ » , une copie incarnée de l’Âme (« Kla » en Eʋegbe ) qui, elle, est restée au Monde des Origines ( Seʄe en Eʋegbe) en vue de superviser le cycle des incarnations et réincarnations successives qu’elle peut faire par projection dans le Monde physique et biologique.
  • le «  » désignant le Génie qui permet à la créature d’avoir des Habilités cognitives et qui fonctionne comme « Auxilliaire » pour la copie incarnée (Luʋɔ) de l’Âme (« Kla » ).

Le terme «  » signifiant « Génie » a donné en Eʋegbe des expressions idiomatiques telles que « nyí Bà » (reconnaître le Génie ou le Talent de quelqu’un), « ɖo Afɔ Bà dzí » (étouffer par des moyens magiques le Génie créatif de quelqu’un) et « ɖe Afɔ le Bà dzí » (autoriser quelqu’un à exposer son Talent/Génie devant un Public).
Le terme « Luʋɔ » quant à lui est en réalité un Mot composé signifiant littéralement « la Porte (Ʋɔ) fermant les Instincts (Lu) ».

Schéma illustrant la constitution spirituelle d’un Animal depuis le Monde des Origines jusque dans le Monde sensible et concret. (Crédit: K. Kofi FOLIKPO, www.pyramid-of-yewe.org )

A la différence d’un Être humain dont le Prototype repose sur une Copie incarnée d’une Âme (Luʋɔ en Eʋegbe) à laquelle est associé un Génie ( en Eʋegbe), ou tout au plus deux Génies dans des cas irréguliers débouchant sur la prédisposition pour la Sorcellerie ou la vulnérabilité face à la Sorcellerie qui fait partie intégrante de la Création Divine (cf. Folikpo 2016 cité en Bibliographie), un Animal (et a fortiori un Animal sauvage) repose naturellement sur un Prototype composé de plus de deux «  » (Génies), comme le schéma ci-dessus en donne une illustration.
La copie d’Âme incarnée (Luʋɔ en Eʋegbe) à laquelle le/les Génie/s ( en Eʋegbe ) sont associés ne peut fonctionner qu’à travers un Corps physique et biologique (Fla /Ŋutilã en Eʋegbe ) dont dépend sa vie et sa survie.
Contrairement aux Entités immatérielles très subtiles que sont la Copie incarnée d’une Âme (Luʋɔ) et les Génies (), le Corps biologique (Fla /Ŋutilã) est périssable plus rapidement en raison de l’âpreté de l’existence dans le monde sensible et concret.

La Mort biologique d’un Animal (tout comme celle d’un Être humain) survient, lorsque le Flux de l’Énergie vitale (Agbèkà en Eʋegbe) véhiculé à travers le Sang (Ʋù en Eʋegbe) pour permettre le Fonctionnement des Organes vitaux dans le Corps physique s’est progressivement amenuisé (en raison de la vieillesse ou pour cause de maladie), ou lorsqu’il est brutalement interrompu par un Facteur extérieur (choc violent dû à un coup de massue, à un coup de feu, à une collision, l’effet nocif d’un poison, etc.).
Et tout le monde conviendra qu’on parlera de Mort naturelle dans le premier cas et de Mort accidentelle dans le deuxième cas.
Lorsque cela concerne les Humains, les Eʋe parlent de « Kúnyui » (signifiant littéralement « belle Mort » ) pour désigner une Mort naturelle, et de « Dzògbèkú » (signifiant littéralement « Mort brûlante » ) pour parler d’une Mort accidentelle telle que décrite brièvement ci-dessus.
Cette nette distinction s’étend également au Monde animal, car un Lion par exemple qui a été abattu par un Chasseur n’est pas mort de sa Mort naturelle due à son âge!

Chacun des Génies ( en Eʋegbe) associés à la Copie incarnée d’une Âme (Luʋɔ en Eʋegbe) animant un Animal a des fonctions spécifiques non seulement pour la vie de cette espèce animale et pour sa procréation, mais aussi et surtout pour l’ensemble des êtres d’un milieu donné, un ensemble connu sous l’appellation moderne de Biocénose dans le domaine des Sciences de la Vie.
On comprend donc qu’il est quasi-impossible pour les Humains de connaître d’avance et par eux-mêmes la nature et les fonctions spécifiques de tous les Génies () abrités par un Animal et par toutes les espèces animales en général!
Il est davantage quasi-impossible pour les Humains de connaître d’avance et uniquement par eux-mêmes les conséquences qu’entraînerait la disparition subite ou irréversible d’une espèce animale avec tous les Génies () qu’elle abrite dans une Biocénose donnée.
Voilà pourquoi les Humains doivent recourir au Principe intelligent guidant la vie de toutes les espèces animales et seul capable de livrer des Informations précieuses et structurées  sur les Génies () abrités par chaque espèce animale. Ces informations concernant les espèces animales vont au-delà de ce que les Humains peuvent observer de façon empirique sur le mode de vie des différentes espèces animales, sur leur espérance de vie, sur leur procréation, sur leur parenté entre elles, comme l’on sait bien le faire dans le domaine de la Zoologie classique. Ces informations couvrent aussi les rapports très cachés existant entre chaque espèce animale et les Humains, les rapports très cachés existant entre chaque espèce animale et les différentes espèces végétales et couvrent donc la Raison d’être de chaque espèce animale.
C’est donc ce Principe intelligent guidant l’ensemble du Monde animal et guidant les interactions entre les différents Acteurs dans ce Monde animal (y compris les Génies désincarnés et les Âmes désincarnées des Animaux ayant jadis existé dans un passé lointain ou ayant été violemment abattus à travers les activités de la Chasse!) qui est désigné par les Eʋe sous l’appellation d’ « Àdè » .
On peut donc comprendre à présent que le Concept spirituel d’ « Àdè » chez les Eʋe va au-delà de la compréhension populaire et triviale que beaucoup lui accorde en voulant y voir simplement un « Esprit des anciens chasseurs » (sic!) ou bien les « Esprits des personnes mortes d’une Mort violente » (sic!)

Les Fonctions de la Chasse dans la Pensée anthropologique Eʋe.

Les paragraphes précédents ont suffisamment démontré que les activités de la Chasse placent l’ Être humain et ses activités à la confluence du Monde minéral, du Monde végétal et du Monde animal.
Ils ont suffisamment démontré qu’il y a diverses Formes de Vie dans ces divers Mondes et que l’Être humain a une impérieuse Responsabilité vis-à-vis de toutes ces Formes de Vie dans ces divers Mondes.
Voilà pourquoi les Eʋe et tous les Peuples qui leur sont liés directement ou indirectement désignent l’ Être humain avec l’appellation « Agbè tɔ » signifiant littéralement « Le Maître de la Vie » .
S’il est vrai que l’ Être humain peut être considéré comme le « Maître la Vie » (Agbè tɔ en Eʋegbe), il serait erroné de le considérer exagérément comme la « mesure de toute chose » (sic!) selon l’affirmation du Philosophe Héraclite de la Grèce antique. En effet, l’ Être humain est certes considéré comme le « Maître de la Vie » , mais en réalité, il n’en est qu’un « Gestionnaire temporel » vis-à-vis des autres créatures (comme vis-à-vis de lui-même!), puisque ce n’est pas lui qui insuffle la Vie aux espèces animales et aux espèces végétales même s’il a la capacité de la leur ôter à travers la Chasse par exemple!
C’est dire que la Chasse dans la Pensée anthropologique de la plupart des Peuples Africains tels que les Eʋe ne vise pas principalement et simplement à procurer de la viande aux Humains en ôtant la Vie aux Animaux sauvages. Ces activités asument plutôt des Fonctions précises que le paragraphes suivants vont s’évertuer d’exposer.

La Chasse comme un Moyen de Stabilisation rationnelle des Interactions entre les Humains, la Faune, la Flore et la Terre.

Une perception erronée des activités de la Chasse fait dire assez souvent qu’elles visent principalement à ravitailler les communautés humaines en viande ou à permettre aux Humains de se défouler dans la nature en déchargeant leur aggressivité sur les Animaux de la Faune. Cette perception erronée est contredite par le fait que les sociétés humaines une fois sédentarisées se sont mises librement et volontairement au service des Animaux de la Faune à travers la pratique de la Domestication de beaucoup d’espèces animales initialement sauvages pour déboucher sur l’Élevage domestique et contrôlé. On perd souvent de vue que le Bouc (Gbɔ en Eʋegbe) et sa Femelle par exemple sont issus de la Domestication d’une espèce de Bouquetin  (Avegbɔɛ en Eʋegbe) et de sa Femelle il y a des dizaines de milliers d’années. On perd souvent de vue que le Boeuf (Nyi en Eʋegbe) et sa Femelle par exemple sont issus de la Domestication d’une espèce de Buffle (To en Eʋegbe) il y a des dizaines de milliers d’années!
C’est dire que la Chasse dans les sociétés humaines en Afrique n’a pas initialement vu le jour avec l’intention première de donner libre cours aux Instincts de Prédation sans limite, juste pour assouvir les Passions humaines ou pour s’alimenter exclusivement de gibier.
Chasser un Animal sauvage en un lieu ne consiste pas forcément à l’abattre! Cette action peut consiter simplement à le faire éloigner de ce périmètre précis à travers divers moyens. C’est ainsi que les Chasseurs Eʋe par exemple savaient/savent faire éloigner les Fauves (tigres, panthères, etc.) de leurs périmètres cultivés ou d’un site qu’ils ont retenu pour y habiter, au simple moyen d’Excréments humains déposés aux endroits spécifiques hantés par ces Fauves! Ils savent également faire éloigner d’un lieu d’habition le Python de Seba ou le Boa constricteur (Ʋɔ en Eʋegbe ) qui hantent nuitamment ce lieu en devenant ainsi un grave Danger pour les enfants et pour les Animaux domestiques, juste en utilisant des Excréments de Fauves (lions, tigres, panthères, etc. ) mélangés à du terreau qu’on répand aux endroits précis hantés par ces Reptiles!
L’abattage d’un Animal sauvage devient seulement nécessaire selon un Chasseur Eʋe, lorsque son Instinct de Prédation dans l’Espace vital qu’il partage avec d’autres espèces animales et sa Férocité hors de son Espace vital deviennent une Menace réelle pour la Vie des Humains ou pour l’ Équilibre nécessaire entre son espèce et d’autres espèces animales.
Cet abattage devient seulement nécessaire selon un Chasseur Eʋe, lorsque la Surpopulation de certaines espèces animales dans leur Espace vital les pousse à vouloir étendre cet Espace vital en empiétant sur les Espaces cultivés par les Humains.
Il devient également enfin nécessaire selon le Chasseur, lorsque cette Surpopulation menace gravement l’ Équilibre écologique dans une zone donnée.
Ainsi, le Risque de Tarissement de certaines Sources d’eau dans un Espace vital en raison de la Surpopulation de certaines espèces animales par exemple ou le Risque d’Extinction irréversible de certaines Plantes médicinales en raison de la Surpopulation de certaines espèces animales qui en consomment abondamment par exemple, peuvent amener à la décision de réduire la Population de ces espèces animales spécifiques à travers ce qui est communément appelé la Chasse saisonnière qui n’a rien à voir avec la prétendue « Chasse sportive » (sic!) ou « Chasse touristique » (sic!) que l’on tente d’institutionaliser dans plusieurs pays africains pour « plaire » à une catégorie minoritaire de Touristes occidentaux.

On peut retenir de tout ce qui précède que l’intervention du Chasseur Eʋe (à l’instar d’autres Peuples Africains)  dans la Faune vise avant tout à réguler de façon utilitariste les Interactions entre la Faune, la Flore, les Ressources du Sol et les Ressources hydrauliques dans un Terroir, et démontre ainsi le Lien cyclique et indissociable existant entre elles.

La Chasse comme un Coup d’Arrêt brutal dans des Cycles de Vie dans le Monde animal et végétal selon la Pensée spirituelle Eʋe.

La pérennisation ou la disparition des espèces animales et des espèces végétales à travers leur mode de Reproduction ne dépend pas seulement de la Fécondité ou de la Virilité connues pour ces espèces, mais dépend aussi et surtout de trois Facteurs exogènes principaux:

  • le Facteur climatique;
  • le Facteur écosystémique
  • le Facteur humain.

Le facteur climatique sur la pérennisation ou l’extinction potentielle d’une espèce animale ou végétale est concrètement illustré par les perturbations des saisons susceptibles d’affecter les cycles de reproduction animale et végétale.  Les sécheresses ou les pluviosités devenant plus longues ou de plus en plus courtes perturbent naturellement la reproduction de la Faune et de la Flore dans un Terroir.

Contrairement à certaines théories fumeuses selon lesquelles les changements climatiques proviennent principalement des activités humaines débouchant sur des phénomènes tels que l’ Effet de Serre, la Cosmologie et la Géoscience permettent aujourd’hui de comprendre que la Terre-Mère a connu par le passé plusieurs Cycles de Glaciation qui ne proviennent pas essentiellement des activités humaines! Ces changements climatiques font partie de la Logique cosmique de Régénération cyclique de la Terre-Mère tous les 2250 ans environ!

Du point de vue écosystémique, il faut faire remarquer que la Biocénose (c’est-à-dire l’ensemble des êtres vivants et leurs interactions) d’un Terroir peut être sérieusement perturbée sur le moyen et sur le long terme non seulement à cause des changements climatiques, mais aussi à cause de l’introduction (non-humaine ou humaine) de certaines nouvelles espèces animales ou végétales qui peuvent entraver sérieusement le cycles de reproduction d’autres espèces déjà existantes dans un Terroir. En effet, la mobilité des Animaux de la Faune débouche non seulement sur la dissémination des espèces animales dans des aires plus étendues, mais aussi sur l’interaction de ces espèces animales avec une flore qui leur était préalablement étrangère et à laquelle elles doivent s’adapter. Il n’est pas rare de constater que certaines espèces animales commencent à développer certaines pathologies inédites à la suite de leur interaction avec de nouvelles espèces végétales dans leur nouvel espace vital. Ces pathologies inédites peuvent décimer totalement certaines espèces animales dans une localité au point où ces espèces animales peuvent être considérées comme des espèces menacées d’extinction ou peuvent même parfois disparaître complètement. Un endroit abritant par exemple la plante ouest-afriacine dénommée « Tsakpé » (Mucuna occidentalis en dénomination scientifique latine) est un habitat inapproprié pour un Lion ( Dzata en Eʋegbe), car cela déclenche chez cette espèce animale des maladies cutanées mortelles pouvant conduire à son extenction totale. Une telle espèce animale menacée dans un tel Terroir en raison de la Flore est interdite d’abattage systématique durant les activités de Chasse. L’abattage « accidentel » d’une telle espèce animale menacée est considéré comme un coup dur et brutal porté à la chance de sa préservation et un coup dur porté à sa chaine de reproduction. Voilà pourquoi la Pratique de la Chasse chez les Eʋe considère qu’une telle atteinte brutale au Cycle de Reproduction d’une espèce animale menacée doit être évitée au maximum.

Par ailleurs, l’arrivée de certaines espèces animales dans un nouvel espace vital peut, non seulement y introduire des graines de nouvelles espèces végétales à travers leur défécation, mais peut constituer également une grave menace pour certaines espèces végétales de ce nouveau terroir. Ainsi un troupeau d’éléphant qui s’introduit par exemple dans une Savane (Ave hɔlɔɛ en Eʋegbe) y consomme abondamment différentes variétés de plante jusqu’à la transformer complètement en une Savane déboisée (Dzogbe en Eʋegbe) où ne peuvent encore pousser que certaines plantes spécifiques telles que le RônierAgɔti en Eʋegbe) que l’éléphant y introduit en y déféquant ses noix avalées ailleurs. C’est donc dans le souci de préserver certaines espèces végétales de l’extinction irréversible dans un terroir, qu’on passe par la pratique de la chasse pour réduire raisonnablement la population de certaines espèces animales devenues une réelle menace pour certaines plantes médicinales très précieuses, si l’on ne veut pas assister à leur extinction irréversible.

Le facteur humain lié à la pérennisation ou à la disparition brutale des espèces animales et végétales à la travers la Pratique de la Chasse porte essentiellement sur les Méthodes et les Techniques de la Chasse. Comme première Méthode de Chasse occasionant un coup d’arrêt brutal dans le cycle de vie des espèces aninales et végétales on peut citer la Méthode des grands Feux de Brousse. En effet, il arrivait jadis que certains Chasseurs, de connivence avec certains Agriculteurs, choisissaient par paresse, de ne plus s’adonner aux randonnées de chasse dans les règles de l’art et de ne plus défricher les espaces à cultiver dans les règles de l’art. Ils choisissaient donc de combiner le Défrichage et la Traque du Gibier en une seule activité en mettant le Feu à la Brousse. Cette méthode était connue dans le Terroir d’Agu et dans d’autres Terroirs sous l’apellation Eʋe de Dzogbe wɔwɔ. Dans les temps anciens, Chasseurs et Agriculteurs ayant choisi cette voie de facilité prenaient quand même quelques mesures rudimentaires de précaution pour limiter les dégâts de cette méthode nefaste de Défrichage et de Traque du Gibier, en amenageant préalablement des Pare-Feu ( Dzomɔ en Eʋegbe) tout autour de la zone choisie.  On peut aisément déduire de tout ce qui précède qu’au-delà de l’appauvrissement graduel de l’humus par les grands Feux de Brousse, certaines espèces animales et végétales devenues rares dans un terroir au fil du temps sont décimées irréversiblement et de façon brutale à travers cette méthode de Chasse qui est toujours vivement déconseillée sur de grands espaces.

Photo illustrative d’un Piège à Fosse (Eʋègã) jadis conçu assez souvent dans les Forêts et dans les Savanes en Pays Eʋe pour capturer pricipalement le grand Gibier. (Crédit: Generationsrurales )

Une autre méthode de Chasse entraînant souvent l’extinction brutale et irréversible de certaines espèces animales et constituant un grave Danger pour les Humains non-avertis  dans la Forêt et dans la Savane est le Piège à FosseEʋègã  en Eʋegbe). En effet, il n’était rare que certains Fauves et certains gros animaux sauvages (éléphant, hyppopotame, sanglier, etc.) devenaient jadis invasifs dans certains Terroirs, menaçaient la vie des Humains, mais étaient difficiles à traquer durant les randonnées de chasse habituelles. Les Chasseurs optaient donc pour la conception des Pièges à Fosse, consistant à creuser des Fosses de 2 à 3 mètres de profondeur et de 1,5 mètre environ de diamètre. Un gros Gibier tombé dans une telle Fosse habituellement camouflée d’herbes n’a aucune chance de s’en sortir avant d’être assommé plus tard par les Chasseurs. Mais de petits ruminants pour lesquels ce Piège n’est pas conçu y tombent aussi assez souvent et en grand nombre. Le souhait initial de faire une « Chasse sélective » de gros Gibier tourne malheureusement ainsi à la capture « involontaire » de certains petits ruminants ou mammifères parfois menacés d’extinction. Lorsqu’on ajoute à cet inconvénient le Danger qu’une telle Fosse creusée dans la Savane ou dans la Forêt représente concrètement pour les personnes non-averties, on comprend pourquoi beaucoup de Chefs coutumiers du terroir d’Agu ont fini par l’interdire systématiquement vers la fin des années 1970.

 

La Dimension socio-psychologique et spirituelle de la Chasse selon la Pensée sociologique et spirituelle Eʋe.

Les activités de la chasse font d’un Chasseur un Être humain écartelé entre le monde diurne et le monde nocturne. Elles font de lui une personne qui assiste toujours au duel permanent entre la Vie et la Mort aussi bien dans le monde animal, dans le monde végétal que dans le monde des Humains. Son contact étroit avec la Faune et avec la Flore surtout en moment nocturne lui ouvre les portes sur certains secrets très profonds de la vie animale et de la vie végétale. Il est souvent un témoin occulaire de la manière dont les animaux déploient leurs Instincts (Lu en Eʋegbe), leur Énergie vitale (Agbe-Ka en Eʋegbe) et leur Énergie spirituelle (Atsɛ en Eʋegbe) pour leur Survie et pour la Survie de leurs espèces. Il est souvent un témoin occulaire des échanges intimes et secrets entre diverses espèces animales, et entre les animaux et les plantes.

(Travail en cours …)

 Regard analytique sur le Rite initiatique d’ « Adè » chez les Eʋe

(Travail en cours …)

Structure organisationnelle d’une Confrérie de Chasseurs (« Adehá ») et la Cooptation au sein d’une Confrérie.

S’il est vrai qu’une Confrérie de Chasseurs en Pays Eʋe peut compter une dizaine, une vingtaine et même plus de membres, il est essentiel de souligner qu’il ne s’agit pas d’un regroupement circonstantiel n’ayant aucun organigramme et n’ayant aucun mode opératoire bien structuré. Les paragraphes suivants vont tenter d’exposer les structures et les modes de fonctionnement d’une Confrérie de Chasseurs en Pays Eʋe aussi bien au niveau d’une seule communauté villageoise qu’au niveau inter-communautaire.

La Structure fonctionnelle d’une Confrérie villageoise de Chasseurs (Adèhá)

Une Confrérie de Chasseurs (Adèhá) en milieu Eʋe est composée au minimum de Trois Acteurs que sont:

  1. L’  Adèlá
  2. L’  Adè-kplɔví
  3. L’ Adè-kpo-lélá 

Le Schéma suivant illustre l’interaction triangulaire existant entre ces Acteurs:

Schéma illustrant l’interaction triangulaire au sein d’une Confrérie embryonaire de Chasseurs chez les Eʋe. (Crédit: K. Kofi FOLIKPO, www.pyramid-of-yewe.org )

L’ « Adèlá » est le Chasseur confirmé qui constitue le Pivot de la Confrérie. L’exercice de ses activités en tant que Chasseur reconnu comme tel peut être expliqué par un apprentissage antérieur et le sur le tas au sein d’une Confrérie. Dans ce cas, il avait servi en qualité d’un « Adè-kplɔví » ou d’un « Adè-kpo-lélá » auprès d’un vieux Chasseur expérimenté dont il a pris la relève pour cause de décès ou de vieillese de ce dernier. Cet ancien Chasseur expérimenté peut être un parent (père, grand-père, oncle paternel ou maternel, etc.) ou un ami de la famille.

Mais il n’est pas rare non plus de constater parfois que certaines personnes deviennent des Chasseurs habiles et adroits de façon inattendue, soit à travers un haut Fait de Bravoure en tuant un animal sauvage et féroce qui menaçe la vie et la quiétude des Humains dans une localité, ou soit à travers son intérêt de plus en plus affiché pour la Chasse, en allant toujours seul chercher du gibier en brousse.

Dans un cas comme dans l’autre, les Eʋe expliquent cette façon « spontanée » pour quelqu’un de devenir Chasseur par le Mécanisme et le Principe spirituels de la Réincarnation (Dzɔtɔ ou Ame-Dzɔdzɔ en Eʋegbe), selon laquelle l’âme d’un Ancêtre défunt (Tɔgbui en Eʋegbe) qui fut un grand Chasseur de son vivant dans  l’une des lignées (paternelle ou maternelle) de l’intéressé est « renée » pour transmettre à sa Communauté d’appartenance (et par ricochet à toute l’Humanité entière) ses Connaissances, ses Habiletés et ses anciennes Expériences liées à la Faune, à la Flore, à l’Usage médicinal et magique des Plantes (Médecine naturelle) et à l’Équilibre psychique et spirituel des Humains dans leur interaction avec leur Environnement naturel direct.

L’ « Adè-kplɔví » est quant à lui le Porte-Lance ou le Porte-Flingue aux côtés du Chasseur confirmé. Comme son titre l’indique (« kplɔ ɖó » signifiant « accompagner » en Eʋegbe), il travaille en qualité d’Aide-de-Camp avec le Chasseur confirmé, et est de ce fait celui qui l’accompagne le plus près possible en toute situation avec l’Arme la plus redoutable de la Confrérie (jadis une Lance, mais remplacée au fil du temps par une Arme à Feu). Mais le Port de l’Arme la plus redoutable par l’ « Adè-kplɔví » ne lui confère pas automatiquement la prérogative de s’en servir sans l’ordre du Chasseur confirmé! Et cela n’exclut pas non plus que le Chasseur confirmé porte lui-même une Arme qu’il peut déployer premièrement avant de décider d’user ou de faire user l’Arme la plus redoutable. En cas de décès subit ou accidentel de l’ « Adela » , c’est l’ « Adè-kplɔvi » qui est habilité à prendre sa place et devenir ainsi le Pivot de la Confrérie.

Image illustrative d’un « Adèkpò » (Gibecière).

Quant à l’ « Adè-kpo-lélá » , il n’est pas seulement pour la Confrérie le Porte-Bâton (car Èkpo en Eʋegbe signifie Massue ou Gourdin), mais aussi le Porte-Gibecière (car Àkpo en Eʋegbe signifie Gibecière).

En effet, les Chasseurs en Pays Eʋe allaient jadis à la Chasse non seulement avec des Armes blanches tranchantes (désignées sous le vocable de « Lãnú » en Eʋegbe et remplacées au fil du temps avec des Armes à Feu). Ils y allaient aussi avec des Armes blanches contondantes (Èkpo en Eʋegbe) qui sont essentiellement utilisées pour tuer par exemple un serpent vénimeux menaçant, mais aussi des petits rongeurs (agoutis, lièvres, etc.) qu’il serait superflu d’abattre à coup de lance ou à coup de fusil (d’où le Mot composé « Àdèkpò » pour désigner une Massue ou un Gourdin).

Par ailleurs, les Chasseurs en Pays Eʋe allaient toujours à la Chasse avec leurs accessoires de Chasse (tels que les couteaux, les canifs, les fils et filets, les pointes, etc. ) soigneusement rangés dans une Gibecière (Àkpo en Eʋegbe , d’où le Mot composé « Adèkpò » pour désigner une Gibecière).

L’ Eʋegbe étant du point de vue linguistique une Langue très riche sur le plan morpho-phonologique (c’est-à-dire dans la formation acoustico-phonétique ou graphique des mots), les similitudes homophoniques ou homographiques permettent de créer facilement un Mot composé qui peut avoir plusieurs sens à la fois. Ainsi, l’effacement nécessaire des voyelles /è/ et /à/ dans les mots /èkpo/ et /àkpo/ pour former le Mot composé « Adè-kpo-lélá » permet d’avoir un seul Mot composé ayant à la fois deux Significations (« Adè-kpo-lélá » pour désigner le Porteur de Bâton/Massue d’une part, puis « Adè-kpo-lélá » pour désigner le Porteur de Gibecière d’autre part).

 

La Structure fonctionnelle d’une Confrérie inter-villageoise de Chasseurs (Adèhágã).

Il n’est pas rare de constater que plusieurs Communautés villageoises forment une Confrérie inter-villageoise de Chasseurs communément appelée « Adèhágã » . Tel a été le cas dans la localité d’Agu-Kebo-Toé par exemple depuis les années 1950 jusqu’aux années 1970 environ, quand des Chasseurs issus de différents Villages du Terroir se retrouvaient pour leurs Rencontres cérémonielles et rituelles.

La première explication logique pour une telle configuration est que les Familles (Ƒome) et les Clans (Hlɔsa) s’aggrandissent au fil du temps et se scindent afin de se recomposer (à travers des mariages et des intégrations de nouveaux venus) pour s’implanter sur d’autres sites, tout en gardant les liens avec les Familles et les Clans d’origine.

La deuxième explication est que certaines Confréries villageoises devenant de plus en plus petites (suite au décès de leurs membres ou suite au départ de certains membres pour d’autres cieux) ont besoin de fusionner avec d’autres Confréries villageoises pour que la Pratique de la Chasse ne disparaisse pas définitivement dans cette Communauté villageoise. Dans ce cas de Fusion de deux ou de plusieurs Confréries pour déboucher sur une Confrérie inter-villageoise (Adehagã), la gestion des affaires de la Confrérie inter-villageoise peut se faire soit par voie collégiale ou soit par voie d’allégeance.

La voie collégiale est préconisée lorsque les Chefs-Chasseurs issus des Confréries villageoises ont le même degré d’ancienneté dans le corps. Les choses se passent donc à tour de rôle entre les différents Chefs-Chasseurs issus des différentes Confréries villageoises.

La voie d’allégeance est habituellement préconisée lorsqu’il existe un Chef-Chasseur nettement plus ancien et plus expérimenté que les autres Chefs-Chasseurs issus des différentes Confréries villageoises.

 

Les Conditions et Critères de Cooptation au sein d’une Confrérie de Chasseurs.

(Travail en cours …)

Les Codes de Conduite au sein d’une Confrérie de Chasseurs.

(Travail en cours …)

Les Interdits au sein des Confréries de Chasseurs.

(Travail en cours …)

Les Pratiques rituelles au sein d’une Confrerie de Chasseurs dans le Terroir d’Agu.

S’il est vrai qu’une Confrérie de Chasseurs (Adèhá) en Pays Eʋe à l’instar du Terroir d’Agu est constituée autour d’un ensemble d’activités précises comparable à un Corps de Metier comme celui des Bâtisseurs ou des Maçons, sa structuration et les Pratiques rituelles en son sein la rapprochent beaucoup aux Communautés de Culte multimillénaires (Huha) reposant sur les Cinq Éléments cosmiques (Ether, Feu, Terre, Air et Eau) et sur leurs diverses formes de Manifestations concrètes dans le monde sensible.

Un Chasseur mène certes une « vie profane » lorsqu’il est au milieu du commun des mortels dans sa Communauté, mais observe scrupuleusement des prescriptions liées au Rite (Kɔnu en Eʋegbe) auquel il a été initié pour devenir un Chasseur confirmé. Sans que cela ne soit dit assez souvent de façon explicite, « Adè » est d’abord et avant tout une Entité spirituelle (Gbɔgbɔ) qui est le Saint Patron des activités de la Chasse. Et comme toute Entité spirituelle, « Àdè » opère de concert avec d’autres Entités spirituelles afin de permettre à ceux qui exercent les activités qui lui sont liées de mener celles-ci à bien.

La première Entité spirituelle en relation avec l’Entité spirituelle « Adè » pour permettre l’exercice satisfaisant des activités de Chasse est «  » qui est l’un des Saints Patrons du Monde minéral. En effet, les Armes de Chasse (Armes blanches tranchantes, Armes à Feu, Pièges, etc.) sont des produits finis venus essentiellement du Fer, donc du Monde minéral. Manier ces Armes pour pratiquer la Chasse signifie qu’on est volontairement ou involontairement sous l’influence de l’Entité spirituelle «  » qui est le Saint Patron du Fer, de l’Action énergique comme la Chasse et la Guerre

La deuxième Entité spirituelle en relation avec « Adè » et permettant de bien exercer les activités de Chasse est « Agɛ » qui est l’un des Saints Patrons du Monde végétal. En effet, le Gibier vit dans le Monde végétal ou se nourrit essentiellement de végétaux à l’exception des fauves. Et même les proies des fauves se nourrissent essentiellement de végétaux! Vouloir aller exercer les activités de Chasse dans le Monde végétal signifie en d’autres termes qu’on est volontairement ou involontairement sous l’influence de l’Entité spirituelle « Agɛ » . Et il n’est pas rare d’apprendre en Pays Eʋe que des Chasseurs partis chasser soient mystérieusement induits en errance sauvage dans la brousse pendant des jours par l’ Entité spirituelle « Agɛ » sans pouvoir retrouver le chemin de retour à domicile! Voilà la signification et la portée musicologique de la Chanson de Chasse intitulée « Kpekpeɖíɖí yé blem » et transcrite dans le paragraphe consacré aux Chansons de Chasse …

Schéma illustrant les Forces divines (Entités spirituelles) en présence durant le Rite initiatique d’ « Adè wɔwɔ » (Crédit: K. Kofi FOLIKPO, www.pyramid-of-yewe.org )

De tout ce qui précède, on peut retenir que les activités de la Chasse sont sous l’influence d’une Triade d’Entités spirituelles composée d’ « Adè » , d’ « Agɛ » et de «  » , comme le Schéma ci-contre en donne une brève illustration.

Il est curieux de constater que ceux qui se font appeler les « Occidentaux » (c’est-à-dire le Monde gréco-romain et sa violente excroissance hégémonique et prédatrice Outre-Atlantique et Outre-Pacifique) placent aussi les activités de la Chasse sous l’influence d’une Triade d’Entités spirituelles composée de la Divinité dénommée « Artémis » (Saint Patron de la Chasse) , de la Divinité dénommée « Arès » (Saint Patron de l’Action énergique, du Fer, de la Guerre) et de la Divinité dénommée « Pan » (Saint Patron de l’Environnement naturel et de la Végétation).

Mais lorsqu’on sait à travers l’Egyptologie, à travers l’Histoire antique et à travers la Linguistique que la Grèce antique (ayant précédé Rome antique) fut d’abord une colonie de l’Égypte kamito-pharaonique et lorsqu’on sait que cette Grèce antique a puisé avec le temps tous les élements de sa civilisation dans la Haute Culture de l’Egypte kamito-pharaonique, on comprend aisément cette similitude frappante dans la Signification anthropologique accordée aux activités de la chasse tant en Occident qu’en Afrique, même sie les Fonctions qui lui sont attribuées au fil du temps dans les sociétés occidentales sécartent largement de celles en vigueur dans les sociétés africaines.

 

Les Chansons de Chasse (Adèhà) et la Signification de leurs Textes.

La composition des Chansons de Chasse est intialement une Production intellectuelle qui émane de la Confrérie des Chasseurs d’abord avant de tomber dans le domaine public à travers l’exécution d’une partie du Rite initiatique d’ « Adè » devant l’ensemble de la Communauté d’un Terroir.

Il s’agit donc de Récits épiques émanant des Chasseurs eux-mêmes et relatant fidèlement leur propre vécu. A cela s’ajoute souvent le rappel de la Gloire ou des événements tragiques vécus par d’anciens Chasseurs défunts. On voit donc clairement que l’une des Fonctions principales des Chansons de Chasse (Adèhà) consiste à conserver la Mémoire collective liée aux activités de la Chasse et liée à la vie communautaire d’un Terroir en général. Une autre Fonction de ces Chansons consiste par ailleurs à transmettre cette Mémoire collective aux générations subséquentes à travers l’Oralité.

Les Textes transcrits ci-après et tirés du Répertoire des Chansons de Chasse du Terroir d’Agu en disent long:

 

Chanson I
Texte en Eʋegbe Traduction en Français
Nusi me kpɔ le Adè Gbé me
Nusi me kpɔ le Adè Gbé lá
Adzinɔ ma se o!
Mí ɖó Avé lɔa me lá
Avé lɔa me sésé dom!
Mí ɖó Avé lɔa me lá
Avé lɔa me goglo dom!
Lã gã wo lã gã wo xá dom!
Afika Tɔɖiwo ɖé?
Afika Tasiwo ɖé?
Me ga dɛ o! Ma lé! Me ga dɛ o!
Me ga dam o! Adela me ga dam o!
Adela! Me ga dam o! Ma lé kple Así!
Ce que j´ai vécu à la Chasse
Ce que j´ai enduré à la Chasse
Ne doit pas être conté à une Génitrice!
Une fois que nous sommes entrés dans les sous-bois
Les sous-bois m´ont vraiment éprouvé!
Une fois que nous sommes entrés dans les sous-bois
Les sous-bois m’ont terrifié
De grands animaux féroces m´ont encerclé!
Où sont les Oncles?
Où sont les Tantes?
Ne tire pas! Je l´arrêterai! Ne tire pas!
Ne tire pas sur moi! Chasseur! Ne tire pas sur moi!
Chasseur! Ne tire pas sur moi! Je l´arrête les mains nues!
Chanson II
Texte en Eʋegbe Traduction en Français
Kpekpeɖíɖí yé blem lo!
Me tsi Dzogbe dɔ lo!
Kpekpeɖíɖí yé blem lo
Na be me tsí Dzògbè dɔɔɔ!
Kpekpeɖíɖí m´a fait perdre tous mes sens
Et j´ai dû passer la nuit dans la savanne
C´est Kpekpeɖíɖí qui m´a tourmenté
Et j´ai dû déambuler toute la nuit dans la savanne
Chanson III
Texte en Eʋegbe Traduction en Français
Tsanagatsu ma nye lã ɖe ʄe vi
Mia kpé le Dzogbea?
Agbadza mia bla!
Ku ma nye lã ɖe
Mia kpé le Dzogbea ?
Agbadza mia bla!
Agbadza mia bla!
Agbadza mia bla!
Ku ma nye lã ɖe
Mia kpé le Dzogbea ?
Agbadza mia bla!
La Mort ne pouvait-elle pas être un Gibier
Qu’on pourrait traquer dans la Savane?
Nous attacherions nos cartouchières aux reins
La Mort ne pouvait-elle pas être un Gibier
A traquer dans la Savane ?
Nous attacherions nos cartouchières aux reins!
Nous attacherions nos cartouchières aux reins!
Nous attacherions nos cartouchières aux reins!
La Mort ne pouvait-elle pas être un Gibier
A traquer dans la Savane ?
Nous attacherions nos cartouchières aux reins!

 

S’il est vrai que tout membre d’une Confrérie de Chasse (Adèhá) en Pays Eʋe peut avoir des Dons et des Talents poétiques et musicaux, la composition des Chansons de Chasse revient généralement à l’ « Adè-Kpo-lélá » soutenu en choeur par les autres membres de la Confrérie.

Les rythmes musicaux des Chasseurs (Adèʋú).

(Travail en cours … Texte explicatif suivra …)

 

Un Rythme musical des Chasseurs (Adèʋú) intitulé « Adzinɔ ma se o » suivi d’un autre Rythme musical intitulé « Adela! Me ga dɛ o » , tous deux bien re-arrangés musicalement et mis en scène par la talentueuse Artiste de la Chanson togolaise Afia MALA

 

(Travail en cours …)

Les Danses des Chasseurs (Adèwɔ) et la Signification de leurs Gestes et Pantomimes.

Les Danses des Chasseurs (Adewɔ) ne visent  pas principalement à divertir le Public, même si elles sont toujours organisées dans une ambiance de réjouissance populaire. Leur chorégraphie vise avant tout à déclencher une sorte de Catharsis (c’est-à-dire un Défoulement libérateur) chez les Chasseurs afin de les libérer de tout le Stress psychologique enduré dans les parties de Chasse: la faim, la soif, le froid et l’angoisse dans la nuit passée en forêt ou dans la savane, le courage nécessaire face à un fauve ou face à un gros gibier féroce, la Supplication non-verbale faite par un gibier se retrouvant nez à nez avec le Chasseur prêt à l’abattre, la traque pénible d’un gros gibier blessé et devenu ainsi dangereux aussi bien pour le Chasseur que pour toute la population, les stratégies sécuritaires nécessaires face à un gros gibier blessé qui prend sa revanche … Voilà autant de situations épiques que le Chasseur essaie d’extérioriser à travers des Gestes et des Pantomimes qui expriment mieux ces vécus émouvants.

On voit clairement que l’une des Fonctions principales des Danses des Chasseurs est d’ordre psycho-thérapeutique dans l’intérêt des Chasseurs eux-mêmes avant tout. Il est souvent arrivé par le passé dans le Terroir d’Agu qu’un Chasseur ayant abattu au moins une fois un gros Gibier, mais ayant râté l’occasion d’exécuter publiquement les Danses des Chasseurs afin d’extérioriser les scènes de l’abattage du Gibier, est frappé mystérieusement de Tourmente et de grave Délire qui ne sont calmés que grâce à des rituels appropriés!
On peut déduire de ce qui vient d’être dit que certains troubles psychiatriques et psycho-somatiques chez certaines personnes dans nos sociétés aujourd’hui trouvent leur explication dans la manière dont on entretient les rapports avec le Monde animal et avec le Monde végétal qui nous entourent.

A travers ces Danses se dégage par ailleurs la nécessité d’une permanente Réflexion socio-pédagogique, psycho-sociologique et philosophique sur ce que vaut la Vie aussi bien pour un Gibier que pour un Humain.

Le Feu de Bois sacré à la Chasse (Adègbé Dzo Kpékpé/Adèdzo Kpékpé).

Une partie de Chasse dans la savane ou dans la forêt nécessite une définition préalable d’un Point de Répère géographique pour tous les membres de la Confrérie afin qu’ils puissent se retrouver sain et sauf à ce Point de Répère au moment convenu pour rentrer à domicile avec (ou sans gibier). Cette nécessité d’orientation géographique est fortement inscrite dans le Patrimoine génétique de tous les Humains depuis la nuit des temps, quelle que soit la Couleur de Peau des Chasseurs et quelle que soit leur époque.

La Signification anthropologique du Feu de Bois en un Endroit précis dans la Forêt ou dans la Savane relève du Désir ardent de Sédentarisation enfoui depuis des millions d’années dans l’Inconscient collectif de tous les Humains face aux aléas implacables de Mère-Nature.

Une Confrérie de Chasseurs qui fait un Feu de Bois en un Emplacement précis dans la Forêt ou dans la Savane renoue symboliquement avec ce Désir ardent enfoui dans l’Inconscient collectif de tout Être Humain pour se fixer des Points de Répères (spatiaux et/ou temporels) dans la vie. Et celui qui fixe des Points de Répères spatiaux en un endroit énonce implicitement un Droit de Propriété pour cet espace! Voilà pourquoi le Droit foncier coutumier tire sa légitimité des activités de chasse ou des activités agricoles que le premier occupant a commencé à y pratiquer. Et voilà la première Fonction assumée par le Feu de Bois allumé par des Chasseurs en un endroit précis de la savane ou de la forêt.

Les Confréries de Chasseurs du Mont Agu avaient retenu depuis des siècles (bien avant l’intrusion coloniale brutale allemande! ) le Point culminant de la montagne comme l’un de leurs Points de Répères où ils allumaient leur Feu de Bois sacré durant leur randonnée de chasse. Voilà pourquoi cet Emplacement a fini par prendre le Toponyme « Dzòkpéʄé » (signifiant littéralement « l’Emplacement où l’on fait le Feu » ). Les spéculations insensées de certains imposteurs qui aiment raconter aux jeunes naïfs que ce Toponyme (nom de lieu) viendrait du fait que les colons allemands (arrivés seulement au 19e siècle dans ce Terroir!) y auraient allumé un grand feu afin de pouvoir observer la fumée dans le ciel depuis l’Allemagne et mesurer ainsi la hauteur de la montagne (!) ne reposent sur aucune logique et encore moins sur une preuve historique.

Photo illustrative d’un « Adègbé-Dzo/Adè-Dzò » (Feu de Bois allumé en brousse par une Confrérie de Chasseurs).

A la première Fonction du Feu de Bois sacré en un Emplacement précis en brousse comme Répère spatial pour une Confrérie de Chasseurs (Adehá) et comme Énonciation d’un Droit de Propriété foncière s’ajoute une deuxième Fonction qui est celle de la Vivification toujours véhiculée par un Feu concentré et allumé à l’air libre. En effet, les Chasseurs livrés à toutes les vicissitudes de Mère-Nature durant une partie de chasse et livrés aux diverses intempéries (Froid, Pluie, Brouillard, etc.) ont besoin de se revivifier autour d’un Feu ardent. Voilà pourquoi les Confréries des Chasseurs trouvent nécessaire d’avoir un Emplacement où un tel Feu ardent peut permettre aux membres de la Confrérie de se vivifier durant leurs âpres activités de chasse. Il faut peut-être préciser au passage que toutes les Sociétés humaines sans exception ont conservé cette Fonction du Feu de Bois vivificateur. On retrouve ceci de façon déguisée dans les Sociétés africaines dites « primitives » ou « non civilisées » à travers le Feu de Bois sous la Paillote au village pour écouter les contes le soir … On retrouve ceci de façon déguisée dans les Sociétés occidentales dites « modernes » et « civilisées » sous la forme de cheminée au salon pour rassembler toute la famille et se rechauffer ensemble. On retrouve enfin cette Fonction de Vivification du Feu de Bois de façon institutionalisée dans les Structures militaires (Armées) et paramilitaires (Scoutisme) sous forme de Feu de Camp.

La troisième Fonction assumée par le Feu de Bois sacré allumé par une Confrérie de Chasseurs en brousse est celle de la Cuisson.

En effet, le gibier doit nécessairement passer au feu (pour brûler les poils) et une bonne partie de la viande doit être grillée avant d’être ramenée à domicile pour être partagée ou vendue au sein de la communauté.

Une Confrérie de Chasseur ayant l’habitude d’allumer son Feu de Bois sacré en des endroits précis prend toujours soin de l’éteindre méticuleusement avant de quitter les lieux afin d’éviter les Feux de Brousse incontrôlés et dévastateurs que certains oiseaux et mammifères peuvent occasionner à partir des braises.  En effet, il est bien connu qu’un oiseau comme le Milan noir ( Dzoxevi en Eʋegbe) ressemblant beaucoup à l’Aigle (Hɔn en Eʋegbe) peut instinctivement déclencher un Feu de Brousse incontrôlé à travers la propagation des braises abandonnées par les Humains, dans l’unique but de faire déloger ses propres proies à chasser!

Oiseau dénommé « Dzòxeví » en Eʋegbe et appelé Milan noir en Français
(Crédit: Daily Geek Show).

Un Milan noir (« Dzoxevi « ) guettant ses proies au-dessus d’un Feu de Brousse qu’il a instinctivement allumé pour les faire sortir. (Crédit: Le Monde).

De tout ce qui précède, on peut retenir en conclusion que les Actes posés par une Confrérie de Chasseurs doivent être toujours en adéquation avec l’équilibre écosystémique de son Terroir de Chasse. Ces Actes s’inspirent naturellement de la bonne connaissance du mode de vie des espèces animales, de leurs affinités entre elles, de leurs incompatibilités entre elles, la bonne connaissance de leurs comportements instinctifs vis-à-vis des différents élements naturels (le Feu, l’Air, l’Eau, la Terre) et vis-à-vis des aléas météorologiques.

 

L’enclos sacré du Chasseur (Adèkpɔ).

(Travail en cours …)

Les ablutions purificatrices des Chasseurs à base de Plantes (Adèmàtsì).

(Travail en cours …)

Les Honneurs funéraires à un Chasseur défunt et l’Entretien de son Héritage matériel et immatériel.

(Travail en cours …)

La Raison d’être de la saine Réhabilitation et Préservation du Rite initiatique de « Adè » dans le contexte postmoderne et postindustriel en Afrique.

(Travail en cours …)

Conclusion.

(Travail en cours …)

Remerciements
L’Auteur de la présente Publication tient à remercier vivement Madame Louise Mansa KLUGAN (France) pour l’exhortation et l’encouragement qu’elle lui a adressé vivement à maintes reprises pour faire une Publication objective, systématique, bien documentée et pédagogique sur la Thématique de la Confrérie des Chasseurs (Adehá en Eʋegbe ) afin que notre Mémoire Collective du Terroir ainsi que notre Patrimoine culturel et spirituel du Terroir ne se perdent pas définitivement au détriment de la Jeunesse actuelle en perte de Répères et au détriment des Générations futures.
Il tient à remercier par ailleurs sa propre Épouse (Madame A. Béatrice FOLIKPO, née SEWAVI) pour sa grande Compréhension, pour ses précieux Compléments d’informations et pour son Soutien moral incessant durant le réalisation du présent Travail.

Références bibliographiques et Ressources Internet.

 

  • Article scientifique consacré à la Signification anthropologique du Feu de Camp des Chasseurs (Adè-Dzò-Kpékpé en Eʋegbe) sur www.lemonde.fr
  • Aventures Boréales Chasses (Site Web consacré à la Chasse touristique des Occidentaux en Afrique).
  • FOLIKPO, Komdedzi Kofi (2012): Des Ancêtres Kamites divinisés aux Saints judéo-chrétiens béatifiés: Ce que la Copie doit réapprendre de l’Original. (Publié en 2012 sur www.academia.edu sous ce lien )
  • FOLIKPO, Komdedzi Kofi (2016): Ontogenèse de la Sorcellerie (Adzé) dans la Cosmogonie ancestrale Kamite: Approche mystique et méta-psychologique. (Publié en 2016 sur www.academia.edu sous ce lien ).
  • La Confrérie des Chasseurs de l’Ouest-Africain (Entretien du Journaliste Alexandre Mensah avec l’Ethnologue malien Youssouf Tata Cissé, publié le 30 Novembre 2000 sur Africultures.com sous ce lien )
  • La grande chasse en Afrique de l’Ouest: quelle contribution à la conservation? In: Etudes du PAPACO (Programme Aires Protégées d’Afrique & Conservation), Numéro 2, 2009 (Études réalisées par l’ Union Internationale pour la Conservation de la Nature et téléchargeables sous ce lien ).
  • CISSÉ, Youssouf Tata (2000): Le Mythe des Divinités tutélaires de la Chasse: Sanènè et Kòntròn (Article publié le 30 Novembre 2000 sur Africultures.com sous ce lien .)
  • SISSOKO, Birama: Les Organisations de Chasseurs du Mali: Quand le Chasseur assure la Sécurité publique. In: DPH, N° 5/1995 (Enquête publiée sur le site DPH Info ).

 

© K. Kofi FOLIKPO , PYRAMID OF YEƲE. 2022 Tous Droits réservés.